Les affranchis, le classique mafieux de
Martin Scorsese sorti en 1990, est une plongée fascinante et dérangeante dans les tréfonds du crime organisé new-yorkais. Porté par un
casting d'exception emmené par
Ray Liotta,
Robert De Niro et l'inoubliable
Joe Pesci, le film retrace l'ascension et la chute d'un groupe de gangsters au cours de plusieurs décennies tumultueuses.
L'histoire, inspirée de faits réels, suit
Henry Hill, un gamin des quartiers populaires de New York rêvant dès son plus jeune âge d'intégrer les rangs des familles mafieuses. Son vœu se réalise lorsqu'il se fait recruter par la bande de
Paul Cicero pour participer à divers larcins et trafics. Le scénario brosse alors un portrait saisissant de ce milieu impitoyable, de ses codes d'honneur tordus et de ses explosions de violence brutale. Un univers que
Scorsese connaît sur le bout des doigts, lui qui a grandi dans ces mêmes quartiers italo-américains et en a déjà esquissé les contours dans son film
Mean streets en 1973.
Bien que le récit puisse parfois verser dans les clichés inhérents au genre, il excelle à saisir l'ambiance et les détails réalistes de la vie mafieuse new-yorkaise. On pense notamment à la scène du fameux « vol de la Lufthansa » en 1978 qui rapporta plus de 6 millions de dollars aux gangsters, ou encore aux répliques cultes comme le mémorable « You think I'm funny ? » hurlé par
Tommy DeVito, le personnage le plus outrancier et déséquilibré du film.
C'est d'ailleurs
Joe Pesci qui vole la vedette dans ce rôle de caïd imprévisible et sanguinaire qu'il interprète à la perfection. Une performance d'une intensité folle qui lui valut l'Oscar du meilleur second rôle en 1991.
Pesci fait ici des étincelles et rend son personnage véritablement terrifiant, à l'image de cette scène iconique improvisée par l'acteur lui-même. En VF, c'est — exceptionnellement —
Jean Benguigui qui prêtera sa voix à l'acteur, et il faut bien avouer qu'il s'en sort très bien !
Robert De Niro, vétéran des polars
scorsesiens après
Mean streets,
Taxi driver ou encore
Il était une fois en Amérique, n'est pas en reste non plus. Le comédien campe un mafieux à la loyauté sans faille envers ses comparses, prêt à tout pour défendre les siens et leur train de vie luxueux.
De Niro compose son habituel personnage ambivalent, à la fois charismatique et inquiétant.
La révélation du film reste cependant
Ray Liotta dans le rôle principal.
Scorsese a délibérément choisi un acteur peu connu à l'époque afin de mieux l'identifier au narrateur
Henry Hill, cette petite frappe fascinée par le milieu du crime. Une partition remarquable qui lancera la carrière de
Liotta, dont
Scorsese avait repéré l'énergie explosive dans quelques-uns de ses premiers films.
Au-delà du simple film de gangsters,
Les affranchis explore aussi des thèmes plus larges comme la loyauté, la trahison ou la place des femmes dans ce monde impitoyable. Le réalisateur n'hésite d'ailleurs pas à intégrer des membres de sa propre famille au
casting, comme sa mère
Catherine dans le rôle de la mère de
Tommy. Un choix qui ancre davantage le récit dans cette ambiance si particulière des quartiers italo-américains.
Techniquement, le film est une réussite grâce à la mise en scène nerveuse et énergique typique de
Scorsese, savamment rythmée par les plans séquences et les
freeze-frames rendant hommage aux grands classiques. La photographie signature de
Michael Ballhaus, fidèle chef opérateur du réalisateur, confère également une esthétique saisissante aux scènes les plus crues.
Cependant, certains reprocheront peut-être aux
Affranchis de parfois trop s'attarder sur la violence gratuite du monde mafieux avec une certaine complaisance. La dénonciation morale n'intervient que trop tardivement, au risque de laisser les spectateurs les moins avertis se délecter de ces frasques criminelles plutôt que d'en saisir la critique.
Dans l'ensemble, ce monument du cinéma de gangsters demeure une oeuvre captivante et bouleversante, portée par des interprètes au sommet de leur art. Un classique à la fois énergique et dérangeant qui, près de 30 ans après sa sortie, n'a rien perdu de sa puissance. Un incontournable donc, pour qui n'est pas trop hermétique au genre.
Note :
7 / 10