Chapitre 1
Hubert Marcheciel était un jeune lycéen pas très abouti, et relativement peu complaisant envers la vie qui
l'avait fait choir trois fois à la dernière place du classement du championnat de penta bond de Saint Ronald
des Monts.
Hubert était vêtu d'un physique ignominieux, inspirant la haine, la désolation, le chaos et les émissions
culturelles de M6. Toutefois, Hubert était quelqu'un d'assez beau, par rapport à son intelligence… Et sa
seule quête dans sa vie était la recherche de l'amour… L'amour ! Le vrai ! L'amour avec un grand tas !
Et cet amour, il ne savait pas où il le trouverait, mais il savait où il aimerait le trouver. Son dévolu se
jeta sur la plus belle fille de sa classe de terminale ESSI (économie et sciences sociales industrielles) :
Jenny Studerbäckerstein !
Il se décida à aller la voir… Il redressa ses lunettes, ajusta son sonotone, nettoya son appareil dentaire,
cira ses semelles compensées et rentra sa chemise à carreau dans son jean délavé… Il était fin prêt ! Il
s'amorça vers Jenny :
" - Salut Jenny !
- Ah ! Salut !!! Ça me fait trop plaisir de te voir Bob !
- Non…, souri-t-il, moi c'est Hubert…"
Hubert se retourna et ne constata rien… Il se recula… Réajusta ses lunettes… C'est alors qu'il constata un
éphèbe noir de plus de deux mètres, approchant le quintal, donc le nonyme n'était autre que Bob. Jenny lui
serra la main, puis, pas que.
Quelques dixièmes de minutes plus tard, alors que Jenny était à nouveau seule, Hubert revint lui parler :
" - Jenny ?
- Oui ?, invectiva-t-elle tendrement.
- Je voulais te parler de quelque chose…
- Ah ! Bah tu tombes bien ! Tu aimes les maths ?
- Oh oui ! Euh… Pourquoi ?"
Jenny darda vers lui son livre de maths, une blanche feuille ainsi qu'un stylo saugrenu pourvu d'une bille.
Puis elle lui adressa :
"- Y'a le 12 et 37 page 314 à rendre pour demain ! Tu me le fais s'il te plait ? Là j'ai un rendez-vous super important !
- Euh… D'accord, ânonna-t-il."
Puis Jenny vagabonda hors de la salle d'étude dans laquelle elle était agencée, travaillant depuis de longues
heures ! (Environ vingt-trois secondes pour être tout à fait exact).
Hubert eut soudainement le sentiment de s’être fait endosser et fut piqué d’une vive fureur. Il en voulait à
Jenny, mais quand même, il était amoureux. Il réalisa donc comme un convenu les exercices de mathématique
portant sur les multiplications de nombres à deux chiffres. Malgré la calculatrice qu’il avait en possession,
Hubert eut beaucoup de difficultés à parvenir à bout de ce devoir. Peut-être avait il simplement omit
d’adjoindre des piles voltaïques à son appareil de calcul ? Probablement.
Il est vrai que quelque extraordinaire que puisse paraître ce grand génie d’Hubert Marcheciel, il n’en est
pas moins un homme distrait. L’une des hannectedoctes les plus intéressantes à ce sujet concerne le jour où
Hubert se rendait chez son cousin jumeau à San Francisco. Ce n’est effectivement qu’au bout d’après cinq
heures de bus qu’il s’entraperçu qu’il avait oublié tout simplement de se vêtir avant de s’extirper de son domicile.
Une fois les exercices mathématiques dûment parachevés, Hubert se saisit de sa jambe amovible qui gisait sur
la table puis boita jusqu’au domicile de Jenny. Là, il se saupoudra d’un frais parfum, recoiffa les poils de
lévrier afghan qui composaient sa perruque et se dépoussiéra l’œil de verre. Il resserra alors les boulons de
son poignet en acajou puis toqua à la porte de cet être tant convoité.
Un mastodonte dont la hauteur ne permit pas à Hubert de constater les yeux ouvrit, nu, accompagné d’une fraîche odeur de bouquetin des landes. La virilité palpable de sa jeunesse écartait d'emblée l'hypothèse que
ce colosse fût le père de Jenny. Ou alors son père par alliance ? Cette alternative méritait d'être soulevée…
C'est alors que tout doute fut dissipé : le géant questionna : "- Tu veux quoi ?", suivi d'une liste
quasi-exhaustive des jurons figurants dans le grand Larousse illustré.
Hubert, complètement déboussolé craqua et avoua qu'il était amoureux de Jenny. Ce à la suite de quoi, son
bras aussi craqua, bien que pas spécialement amoureux de Jenny. C'est alors que la rotule de son omoplate
jaillit de son orbite pour se faux-filet au niveau de sa cage thoracique. Hubert, pour le moins désemparé
tenta dans une tentative inanitée d'houspiller cette sorte d'ours – dont le nom se trouvait être Grégoire –
au niveau du visage avec son ultime bras valide, bien qu'articulé à l'aide d'un engin robotique. Hubert (ou
Hubby comme se plaisait à l'appeler ses amis) fut projeté par Grégoire dans une direction relativement
opposée à celle du pas de la porte de Jenny.
C'est à ce moment là qu'Hubert senti que sa visite à Jenny avait été un échec. Désemparé, mais néanmoins
toujours motivé, Hubert regarda la réalité en face, puis en biais, puis de nouveau en face et fini par
constater qu'il n'avait visiblement aucune chance de séduire la douce Jenny. Quelles solutions restaient à la
disposition de notre pauvre hère ? Hubert les ressassa les unes après les autres… La première décision qu'il
prit fut de se relever. En effet, le bitume n'est pas le meilleur ami de l'homme, aussi déprimé soit-il. De
plus, Hubert était las de gésir ci lamentablement sur ce sol froid. Il inspira profondément, toussa un peu,
puis pris la décision de sa vie. Ou plutôt de sa mort, car Hubert avait décidé de mettre fin à ses jours,
mais aussi à ses nuits en se suicidant. Et quel suicide ! Notre jeune héros avait opté pour la pendaison !
Acte hautement symbolique, puisque la pendaison offre une mort douloureuse et spectaculaire. Seulement, il
fallait trois accessoires : un plafond, un tabouret, et une corde. Seule la corde lui manquait, mais en fin
surfeur qu'il était, Hubert se rendit sur Internet, et se connecta à l'incontournable site des pages jaunes,
et tapa le mot clé "cordes". Au grand dam de notre ami, presque devenu intime au court de ces nombreuses
pages de lecture, il avait saisit ce mot clé dans la case réservée au nom de la ville ! Là où il aurait dû,
effectivement, inscrire le nom de sa localité, à savoir Saint Ronald des Monts, bien sûr.
Hubert se rendit donc à la ville de Cordes-lès-Saint-Ronald, à quelques centaines de kilomètres de son
domicile conjugal de célibataire qu'il était. Là, il se rendit compte, désabusé, qu'il n'était pas dans un
magasin, mais dans un village pittoresque de la région Ronaldmontaise. Toutefois, loin de baisser les bras,
notre espiègle et charismatique héros décida toutefois de tenter sa chance et d'essayer de trouver une corde
dans l'un des deux magasins de la ville. Le premier était une boucherie, et le vendeur n'avait rien d'autre
que des tripes de porc pour faire office de corde. Hubert n'allait tout de même pas se rabaisser à se pendre
avec de la charcuterie ! Il se rendit au magasin suivant qui était plus fourni. Il trouva son bonheur au
hasard d'une allée, entre les fournitures scolaires et les vidéos pour adultes. Quelle ne fut pas la surprise
de notre grand discret lorsqu'il passait à la caisse quand il s'aperçu qu'une fois de plus, son étourderie
lui avait joué des tours : il avait omis son portefeuille ! Heureusement, il avait toujours sur lui sa carte
de crédit que le magasin ne prenait pas – cela va de soi – en dessous de 15 euros, or la corde en coutait
14,99. Pour atteindre le prix, Hubby adjoint à son chariot à roulettes un écran plasma et un déguisement de
Zorro, le célèbre bandit espagnol qui défie les forces de l'ordre ; et tout particulièrement l'énorme sergent
Garcia. Garcia, qui, il faut le dire, est le nom de famille le plus porté en Espagne, ce qui revient à dire
en quelque sorte que Johnston McCulley, le créateur de Zorro, ne s'est pas vraiment embêté quant au nom de
son méchant. Toutefois, le lecteur averti aura remarque que des noms comme Studerbäckerstein ou Marcheciel
font également partie des noms de familles les plus courants en France !