Dans les contrées du cinéma français, où les sentiers battus se font parfois étroits, surgit parfois un vent frais, une brise d'originalité qui bouscule les habitudes. Et dans ce paysage, « Aaltra » se présente comme un oasis d'absurdité, un road movie en fauteuil roulant, fruit de la collaboration entre les esprits décalés de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Dans ce film, nous suivons deux voisins, incarnés par les réalisateurs eux-mêmes, qui, après un accident tragique, se retrouvent paralysés des jambes et se lancent dans un périple vers la Finlande pour réclamer des indemnités. Ce voyage improbable est l'occasion pour eux de découvrir une nouvelle facette de leur voisinage et de leur propre existence. Le scénario, aussi grotesque que génial, s'articule autour de longs plans fixes en noir et blanc, donnant au récit une atmosphère à la fois angoissante et poétique. Si l'histoire peut parfois sembler lente, elle offre néanmoins une profondeur surprenante, mêlant humour noir et moments de détresse avec une habileté remarquable. Les personnages, malgré leur handicap physique, sont riches en nuances et en contradictions. Leur relation complexe évolue au fil du voyage, oscillant entre moments de solidarité et de désaccord, reflétant ainsi la complexité de la nature humaine. Au-delà de son aspect comique, « Aaltra » aborde des thèmes profonds, notamment celui de la marginalité sociale et de la quête de sens dans un monde absurde. Les rencontres sur leur chemin dévoilent la triste comédie humaine, où la cruauté côtoie la solidarité, et où la langue devient parfois un obstacle à la compréhension mutuelle. Sur le plan de la réalisation, Delépine et Kervern font preuve d'une maîtrise impressionnante, utilisant les longs plans fixes pour immerger le spectateur dans l'univers étrange de leurs personnages. La bande-son minimaliste et les décors désolés renforcent l'atmosphère singulière du film. En ce qui concerne les performances d'acteurs, Delépine et Kervern livrent des interprétations saisissantes, incarnant avec justesse la détresse et l'absurdité de leur situation. Les seconds rôles, bien que parfois excentriques, apportent également leur lot de couleurs à l'ensemble. En conclusion, « Aaltra » est un film à part, une expérience cinématographique unique qui ne manquera pas de surprendre et de captiver son public. Avec son mélange savoureux d'humour noir, de mélancolie et d'absurdité, il s'impose comme une véritable pépite dans le paysage du cinéma français. Si certains pourraient être déconcertés par sa lenteur et son minimalisme, ceux qui sauront apprécier son originalité seront récompensés par un voyage aussi singulier que mémorable. Et pour les amateurs de ce type de cinéma, je ne saurais que recommander d'explorer d'autres œuvres du même univers, telles que « C'est arrivé près de chez vous », « La Merditude des choses » ou encore les films de Aki Kaurismäki, dont l'influence se ressent dans « Aaltra ».

Note : 7 / 10