As bestas
Rodrigo Sorogoyen n'est décidément pas un réalisateur qui fait dans la demi-mesure. Après nous avoir secoués avec des thrillers grinçants comme Que Dios nos perdone ou El Reino, le cinéaste espagnol renoue avec la veine tendue et l'atmosphère étouffante dans As bestas. Un drame rural d'une rare intensité qui nous plonge dans les tréfonds de l'âme humaine.
L'intrigue suit le quotidien tendu d'Antoine et Olga, un couple de Français installés dans un petit village isolé de Galice où ils ont acquis une ferme biologique. Si leur projet de vie semble idyllique, tout dérape lorsqu'un conflit avec des voisins frustres et menaçants vire au cauchemar. Une simple querelle de voisinage qui prend alors des proportions tragiques et insoutenables.
Dès les premières minutes, Sorogoyen instaure un climat de malaise envahissant à travers sa mise en scène minutieuse. Les tensions sont palpables, la nature semble hostile, les paysages arides écrasent les personnages de leur verticalité. On ressent également une impression tenace de lenteur et d'enfermement qui ne fera que s'accentuer au fil des séquences d'une violence croissante.
Le scénario, coécrit avec Isabel Peña, s'attache d'abord à poser l'adversité initiale avec beaucoup de finesse. On comprend que le conflit n'est que le symptôme de fractures bien plus profondes : sociales, culturelles, identitaires. Les dialogues ciselés en disent long sur l'incommunicabilité grandissante et les rancœurs qui s'accumulent.
Sans jamais tomber dans la caricature, les personnages sont écrits avec une grande justesse. Les frères Xan et Lorenzo, ces paysans obtus et menaçants interprétés par un très inquiétant Luis Zahera et Diego Anido, deviennent le repoussoir de toutes les peurs et frustrations. Tout comme le remarquable Denis Ménochet en Antoine, cet homme bien sous tous rapports mais qui bascule peu à peu dans la paranoïa.
C'est Marina Foïs qui vole pourtant la vedette en Olga, une femme d'abord effacée mais qui va prendre toute son envergure dans la partie finale du film. Une véritable force de la nature qui amène un soulagement paradoxal par son calme inébranlable.
Au-delà du simple conflit de voisinage, Sorogoyen explore avec perspicacité des thématiques puissantes comme la xénophobie, le repli sur soi et la défense de ses privilèges. Des réflexions âpres sur l'hostilité vis-à-vis de l'Autre, les malentendus et les écueils de la communication qui nourrissent un cycle de violence.
La réalisation très maîtrisée soutient magnifiquement cette remise en question des rapports humains. La photographie sombre et les cadrages serrés accentuent l'impression d'étouffement. Sans oublier cette bande-son d'une pesanteur terrible mais d'une efficacité redoutable pour sublimer les moments de tension extrême.
Les interprètes, tous formidables, entrent en parfaite symbiose avec la vision âpre et sans concession du réalisateur. Chaque regard, chaque rictus traduit une palette d'émotions qui vont de l'anxiété sourde à la rancoeur la plus viscérale.
Si on peut lui reprocher quelques longueurs et un certain académisme, As bestas reste une oeuvre d'une puissance cinématographique rare. En montant progressivement en tension comme un puissant ressac, Sorogoyen livre un film d'une noirceur abyssale mais qui ne manquera pas de marquer les esprits.
Une expérience cinématographique d'une densité et d'une maitrise impressionnantes à l'image des oeuvres d'un Michael Haneke ou d'un Nuri Bilge Ceylan. Un bijou sombre et taillé à la serpe dont on a beaucoup de mal à se défaire.
Note : 8 / 10
L'intrigue suit le quotidien tendu d'Antoine et Olga, un couple de Français installés dans un petit village isolé de Galice où ils ont acquis une ferme biologique. Si leur projet de vie semble idyllique, tout dérape lorsqu'un conflit avec des voisins frustres et menaçants vire au cauchemar. Une simple querelle de voisinage qui prend alors des proportions tragiques et insoutenables.
Dès les premières minutes, Sorogoyen instaure un climat de malaise envahissant à travers sa mise en scène minutieuse. Les tensions sont palpables, la nature semble hostile, les paysages arides écrasent les personnages de leur verticalité. On ressent également une impression tenace de lenteur et d'enfermement qui ne fera que s'accentuer au fil des séquences d'une violence croissante.
Le scénario, coécrit avec Isabel Peña, s'attache d'abord à poser l'adversité initiale avec beaucoup de finesse. On comprend que le conflit n'est que le symptôme de fractures bien plus profondes : sociales, culturelles, identitaires. Les dialogues ciselés en disent long sur l'incommunicabilité grandissante et les rancœurs qui s'accumulent.
Sans jamais tomber dans la caricature, les personnages sont écrits avec une grande justesse. Les frères Xan et Lorenzo, ces paysans obtus et menaçants interprétés par un très inquiétant Luis Zahera et Diego Anido, deviennent le repoussoir de toutes les peurs et frustrations. Tout comme le remarquable Denis Ménochet en Antoine, cet homme bien sous tous rapports mais qui bascule peu à peu dans la paranoïa.
C'est Marina Foïs qui vole pourtant la vedette en Olga, une femme d'abord effacée mais qui va prendre toute son envergure dans la partie finale du film. Une véritable force de la nature qui amène un soulagement paradoxal par son calme inébranlable.
Au-delà du simple conflit de voisinage, Sorogoyen explore avec perspicacité des thématiques puissantes comme la xénophobie, le repli sur soi et la défense de ses privilèges. Des réflexions âpres sur l'hostilité vis-à-vis de l'Autre, les malentendus et les écueils de la communication qui nourrissent un cycle de violence.
La réalisation très maîtrisée soutient magnifiquement cette remise en question des rapports humains. La photographie sombre et les cadrages serrés accentuent l'impression d'étouffement. Sans oublier cette bande-son d'une pesanteur terrible mais d'une efficacité redoutable pour sublimer les moments de tension extrême.
Les interprètes, tous formidables, entrent en parfaite symbiose avec la vision âpre et sans concession du réalisateur. Chaque regard, chaque rictus traduit une palette d'émotions qui vont de l'anxiété sourde à la rancoeur la plus viscérale.
Si on peut lui reprocher quelques longueurs et un certain académisme, As bestas reste une oeuvre d'une puissance cinématographique rare. En montant progressivement en tension comme un puissant ressac, Sorogoyen livre un film d'une noirceur abyssale mais qui ne manquera pas de marquer les esprits.
Une expérience cinématographique d'une densité et d'une maitrise impressionnantes à l'image des oeuvres d'un Michael Haneke ou d'un Nuri Bilge Ceylan. Un bijou sombre et taillé à la serpe dont on a beaucoup de mal à se défaire.
Note : 8 / 10
Vu le 18 mars 2024