Julien   Lepage

J.  Lepage
La mort dans la peau
Paul Greengrass
2004

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La mort dans la peauLa Mort dans la peau, réalisé par Paul Greengrass en 2004, marque un tournant dans la saga de Jason Bourne. Succédant à Doug Liman, réalisateur du premier opus, Greengrass impose un style visuel brut et immersif, renouant avec son expérience documentaire. Après le succès inattendu de La Mémoire dans la peau, les attentes étaient élevées, d'autant que le personnage de Bourne, héros amnésique et meurtri, avait su capter l'imagination d'un public en quête de récits d'espionnage plus réalistes. Cependant, ce second volet laisse une impression mitigée, oscillant entre séquences spectaculaires et scénarisation en demi-teinte. L'histoire reprend deux ans après les événements du premier film. Bourne et sa compagne Marie, désormais réfugiés à Goa, mènent une existence discrète. Mais le passé de Bourne refait surface sous la forme d'un complot impliquant des agents russes et un détournement de fonds attribué à tort à notre héros. Lorsque Marie est tuée par l'assassin Kirill, Bourne sort de sa retraite forcée, bien décidé à régler ses comptes. La traque l'entraîne en Europe, de Berlin à Moscou, où il reconstitue peu à peu les morceaux manquants de son passé tout en confrontant ceux qui cherchent à le neutraliser. L'intrigue, si elle reste fidèle à l'univers de Robert Ludlum, prend des libertés notables avec le roman, ce qui n'est pas nécessairement un mal. Le scénario mise sur l'action et la tension, mais peine à apporter des révélations marquantes. La quête de Bourne tourne en rond, avec des réponses fragmentaires et prévisibles sur son rôle dans le programme Treadstone. Si la structure narrative reste efficace, le film souffre d'un manque de profondeur dans le développement des enjeux. L'histoire avance par à-coups, reliant des scènes d'action impeccables sans toujours leur donner un contexte narratif fort. Certes, le rythme soutenu ne laisse pas place à l'ennui, mais on regrette que les motivations des antagonistes, notamment celles de Kirill et d'Abbott, manquent de subtilité. Les personnages, eux, sont servis de manière inégale. Bourne reste le pilier central, un mélange fascinant de calcul froid et d'humanité fragile. Sa relation avec Marie, bien qu'écourtée, offre quelques rares moments d'émotion dans un film qui privilégie souvent l'efficacité au détriment du sentiment. Pamela Landy, introduite dans cet opus, apporte un contrepoint intéressant : une figure de la CIA à la fois pragmatique et intègre, opposée à la duplicité d'Abbott. En revanche, des personnages secondaires comme Nicky Parsons ou Kirill manquent de consistance, réduits à des fonctions plutôt qu'à de véritables arcs narratifs. Le film explore les thèmes de la culpabilité, de l'identité et du contrôle, des constantes dans la saga Bourne. La manière dont Bourne confronte les conséquences de ses actes, notamment dans la scène où il avoue à la fille de ses victimes son implication dans leur mort, confère au film une dimension introspective bienvenue. Cependant, l'insistance sur les manipulations de la CİA et les complots gouvernementaux, bien que pertinente, reste en surface, sans réelle innovation par rapport au premier volet. Sur le plan technique, Greengrass impose sa signature avec une caméra à l'épaule et un montage frénétique. Cette approche donne une impression d'urgence et d'immersion, mais finit par devenir éprouvante dans certaines scènes d'action, où la lisibilité est sacrifiée au profit de l'intensité. La poursuite en voiture dans les rues de Moscou, bien que spectaculaire, illustre ce déséquilibre : une chorégraphie impressionnante, mais parfois confuse à l'écran. À l'inverse, des moments plus posés, comme les séquences à Berlin, exploitent admirablement les décors et renforcent l'atmosphère paranoïaque du film. La bande originale de John Powell, une constante dans la saga, accompagne efficacement l'action avec des compositions rythmiques qui renforcent la tension. La chanson *Extreme Ways* de Moby, utilisée au générique de fin, reste un marqueur emblématique de l'univers Bourne, même si elle ne parvient pas à atténuer la sensation de déjà-vu. Matt Damon, une fois encore, porte le film sur ses épaules avec un mélange de vulnérabilité et de force. İl incarne un Bourne crédible, un homme à la fois brisé et implacable. Franka Potente, bien que sous-utilisée, apporte une humanité qui manque cruellement à d'autres personnages. Joan Allen se distingue dans le rôle de Pamela Landy, une figure d'autorité complexe qui mériterait plus de temps à l'écran. En revanche, Karl Urban, en assassin taciturne, se contente de remplir un rôle fonctionnel sans réelle nuance. En fin de compte, La Mort dans la peau est un thriller efficace, mais moins abouti que son prédécesseur. İl brille dans ses scènes d'action et son esthétique brute, mais pêche par un scénario qui peine à approfondir les enjeux ou à renouveler les thèmes de la saga. Pour les amateurs de récits d'espionnage nerveux, il reste une expérience solide, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'il aurait pu être bien plus mémorable. Ceux qui cherchent une alternative dans le genre pourraient trouver leur bonheur avec Les Trois jours du Condor, un autre film où paranoïa et manipulation sont à l'honneur.
Ma note 47%
Vu le 11 décembre 2012

Lire la critique sur le site d'Antoine Lepage


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