Daaaaaalí !
Dans Daaaaaalí !, Quentin Dupieux se livre à une expérience cinématographique qui ne cherche pas à raconter Salvador Dalí, mais à l’invoquer, à le faire vivre par éclats, par absurdité et par chaos. Dès le début, le ton est donné : ce ne sera pas un biopic, et encore moins une tentative d’explication de l’homme ou de son œuvre. Ce sera un voyage surréaliste, quelque part entre le rêve, la farce et l’hommage décalé. Avec cinq interprètes différents pour camper Dalí — Édouard Baer, Jonathan Cohen, Gilles Lellouche, Pio Marmaï et Didier Flamand —, Dupieux déconstruit d’emblée toute tentative d’unité narrative ou psychologique, à la manière d’un puzzle dont les pièces ne s’emboîtent jamais tout à fait.
L’intrigue, si tant est qu’il y en ait une, suit Judith, une journaliste française campée par Anaïs Demoustier, qui tente de décrocher une interview avec le génial et excentrique peintre espagnol. Mais rien ne se passe comme prévu. Dalí, fidèle à sa légende, multiplie les caprices, détruit une caméra en conduisant une Rolls-Royce sur la plage, et transforme chaque interaction en un théâtre d’absurde. Parallèlement, un évêque (joué par Éric Naggar) raconte un rêve récurrent, imbriqué dans le récit principal comme un écho des tableaux surréalistes du peintre. À mesure que le film avance, la trame se désintègre, laissant place à une série de scènes décousues, entre couloirs d’hôtels interminables, dîners absurdes et dialogues aux accents métaphysiques.
Le scénario, fidèle à l’approche de Dupieux, ne cherche ni à enseigner ni à rationaliser. İl fonctionne comme une boucle étrange, à la fois frustrante et fascinante, où les attentes du spectateur sont constamment désamorcées. Cette absence de fil conducteur peut séduire ceux qui cherchent une expérience sensorielle et chaotique, mais elle risque de dérouter ceux qui espéraient un film plus structuré. Si certains éléments — comme le couloir sans fin ou le dîner sans conclusion — rappellent les motifs du cinéma de Buñuel, notamment le Charme discret de la bourgeoisie, d’autres semblent relever davantage de l’improvisation que d’un véritable parti pris artistique.
Les personnages, eux, ne sont que des fragments d’une réflexion plus large sur l’art, le génie et l’ego. Dalí, dans toutes ses incarnations, est une caricature jubilatoire : une figure grotesque et magnétique, à la fois tyrannique et vulnérable. Édouard Baer et Jonathan Cohen se démarquent particulièrement dans leur interprétation, oscillant entre cabotinage assumé et instants de grâce comique. Judith, en revanche, joue davantage le rôle de fil conducteur, un personnage volontairement banal qui met en lumière l’extravagance des autres. Le producteur cynique campé par Romain Duris apporte une touche satirique bienvenue, incarnant les travers du monde de l’art et du cinéma avec une énergie mordante.
Le film s’interroge sur la nature de l’art et de la folie créatrice. Dalí, à travers les yeux de Dupieux, devient une métaphore vivante de l’impossible équilibre entre le génie et l’absurde. Les questions de la légitimité artistique et de la frontière entre la création et la prétention traversent l’œuvre, sans jamais trouver de réponse définitive. Mais cette interrogation est parfois noyée sous le poids des gags répétitifs et des situations absurdes qui, à force de vouloir trop en faire, perdent en impact.
Visuellement, Daaaaaalí ! est un petit bijou. Les plans jouent avec les textures et les couleurs pour recréer l’univers du peintre sans jamais le copier littéralement. La photographie, signée par Dupieux lui-même, parvient à évoquer les tableaux de Dalí tout en les ancrant dans une réalité tangible, presque crue. La bande-son, composée par Thomas Bangalter, ajoute une dimension hypnotique à l’ensemble, bien que certains morceaux puissent sembler redondants.
Cependant, malgré son esthétique irréprochable et ses idées brillantes, le film souffre de son propre dispositif. La répétition des motifs absurdes, bien que fidèle à l’esprit surréaliste, finit par lasser. On sent que Dupieux, en cherchant à capturer l’essence insaisissable de Dalí, tombe parfois dans une mécanique qui manque de souffle. Si l’intention de déconstruire le mythe est claire, le résultat oscille entre l’hommage sincère et l’autosatisfaction créative.
Daaaaaalí ! est donc une œuvre qui fascinera autant qu’elle frustrera. Pour les amateurs de Quentin Dupieux et de Salvador Dalí, c’est une curiosité à découvrir, un voyage dans l’absurde qui, malgré ses imperfections, reste une expérience singulière. Mais pour ceux qui recherchent un film plus accessible ou plus cohérent, mieux vaut se tourner vers d’autres œuvres du réalisateur, comme Réalité ou Mandibules. Et pour plonger dans le surréalisme pur, les classiques de Luis Buñuel, notamment Un chien andalou ou Le fantôme de la liberté, restent des références incontournables.
Note : 6 / 10
L’intrigue, si tant est qu’il y en ait une, suit Judith, une journaliste française campée par Anaïs Demoustier, qui tente de décrocher une interview avec le génial et excentrique peintre espagnol. Mais rien ne se passe comme prévu. Dalí, fidèle à sa légende, multiplie les caprices, détruit une caméra en conduisant une Rolls-Royce sur la plage, et transforme chaque interaction en un théâtre d’absurde. Parallèlement, un évêque (joué par Éric Naggar) raconte un rêve récurrent, imbriqué dans le récit principal comme un écho des tableaux surréalistes du peintre. À mesure que le film avance, la trame se désintègre, laissant place à une série de scènes décousues, entre couloirs d’hôtels interminables, dîners absurdes et dialogues aux accents métaphysiques.
Le scénario, fidèle à l’approche de Dupieux, ne cherche ni à enseigner ni à rationaliser. İl fonctionne comme une boucle étrange, à la fois frustrante et fascinante, où les attentes du spectateur sont constamment désamorcées. Cette absence de fil conducteur peut séduire ceux qui cherchent une expérience sensorielle et chaotique, mais elle risque de dérouter ceux qui espéraient un film plus structuré. Si certains éléments — comme le couloir sans fin ou le dîner sans conclusion — rappellent les motifs du cinéma de Buñuel, notamment le Charme discret de la bourgeoisie, d’autres semblent relever davantage de l’improvisation que d’un véritable parti pris artistique.
Les personnages, eux, ne sont que des fragments d’une réflexion plus large sur l’art, le génie et l’ego. Dalí, dans toutes ses incarnations, est une caricature jubilatoire : une figure grotesque et magnétique, à la fois tyrannique et vulnérable. Édouard Baer et Jonathan Cohen se démarquent particulièrement dans leur interprétation, oscillant entre cabotinage assumé et instants de grâce comique. Judith, en revanche, joue davantage le rôle de fil conducteur, un personnage volontairement banal qui met en lumière l’extravagance des autres. Le producteur cynique campé par Romain Duris apporte une touche satirique bienvenue, incarnant les travers du monde de l’art et du cinéma avec une énergie mordante.
Le film s’interroge sur la nature de l’art et de la folie créatrice. Dalí, à travers les yeux de Dupieux, devient une métaphore vivante de l’impossible équilibre entre le génie et l’absurde. Les questions de la légitimité artistique et de la frontière entre la création et la prétention traversent l’œuvre, sans jamais trouver de réponse définitive. Mais cette interrogation est parfois noyée sous le poids des gags répétitifs et des situations absurdes qui, à force de vouloir trop en faire, perdent en impact.
Visuellement, Daaaaaalí ! est un petit bijou. Les plans jouent avec les textures et les couleurs pour recréer l’univers du peintre sans jamais le copier littéralement. La photographie, signée par Dupieux lui-même, parvient à évoquer les tableaux de Dalí tout en les ancrant dans une réalité tangible, presque crue. La bande-son, composée par Thomas Bangalter, ajoute une dimension hypnotique à l’ensemble, bien que certains morceaux puissent sembler redondants.
Cependant, malgré son esthétique irréprochable et ses idées brillantes, le film souffre de son propre dispositif. La répétition des motifs absurdes, bien que fidèle à l’esprit surréaliste, finit par lasser. On sent que Dupieux, en cherchant à capturer l’essence insaisissable de Dalí, tombe parfois dans une mécanique qui manque de souffle. Si l’intention de déconstruire le mythe est claire, le résultat oscille entre l’hommage sincère et l’autosatisfaction créative.
Daaaaaalí ! est donc une œuvre qui fascinera autant qu’elle frustrera. Pour les amateurs de Quentin Dupieux et de Salvador Dalí, c’est une curiosité à découvrir, un voyage dans l’absurde qui, malgré ses imperfections, reste une expérience singulière. Mais pour ceux qui recherchent un film plus accessible ou plus cohérent, mieux vaut se tourner vers d’autres œuvres du réalisateur, comme Réalité ou Mandibules. Et pour plonger dans le surréalisme pur, les classiques de Luis Buñuel, notamment Un chien andalou ou Le fantôme de la liberté, restent des références incontournables.
Note : 6 / 10
Vu le 25 janvier 2025