L'innocent
J'avais des attentes plutôt mitigées en voyant L'innocent, le dernier film de Louis Garrel. L'affiche promettait une comédie délirante, or le cinéma français a tendance à abuser des films naviguant entre les genres de façon bancale. Mais dès les premières minutes, le charme opère, grâce à une entrée en matière brillante : une fausse prise d'otage dans un restaurant, censée constituer les premières minutes d'un film que l'on ne verra jamais, sert en réalité à introduire les personnages principaux avec malice. Un éclair de génie scénaristique !
Le film de Garrel (co-écrit avec le romancier Tanguy Viel) suit Abel, incarné par le réalisateur lui-même, un homme désabusé confronté au nouveau compagnon de sa mère, un certain Michel fraîchement sorti de prison. Soupçonnant ce dernier de préparer un mauvais coup, Abel et sa complice Clémence vont se retrouver embarqués malgré eux dans un braquage rocambolesque impliquant… du caviar iranien. Une prémisse qui fleure bon le délire, mais traitée avec un naturel et un sens du détail confondants.
Le scénario navigue avec brio entre polar délirant, romance improbable, mais aussi réflexions sur le deuil et la famille. Les genres s'entrechoquent avec une légèreté décomplexée, passant du rire aux larmes avec une aisance remarquable. On pense aux mélanges de tons si caractéristiques des polars déjantés à l'américaine, mais avec cette touche française qui donne tout son sel à l'entreprise. Les clichés du genre sont régulièrement détournés avec malice, dans un régal de clins d'oeil méta-cinématographiques savamment distillés. Une scène de braquage défiant la logique se révèle par exemple n'être qu'un jeu de rôle mené par les personnages pour se déclarer leur amour… Un pur bonheur !
Les personnages sont autant de figures attachantes et nuancées, loin des stéréotypes éculés. Je pense notamment à Anouk Grinberg, absolument renversante en mère trop aimante, aveuglée par ses pulsions amoureuses. Ou encore Roschdy Zem, d'une ambiguïté folle en ex-taulard insaisissable. Mais la palme revient à l'incandescente Noémie Merlant, déjà vue dans Portrait de la jeune fille en feu, qui vole littéralement la vedette à ses partenaires. Son personnage de Clémence, à la fois garce et ange gardien pleine de panache, est une pure merveille de composition.
Au-delà du pur divertissement, L'innocent aborde des thématiques vertigineuses, comme la rédemption, la filiation et l'acceptation de l'autre. Le film transmet avec tendresse et intelligence un message apaisant, presque bouddhiste : celui d'apprendre à lâcher prise, à jouer le jeu de la vie, et à savourer l'instant présent. Une philosophie réjouissante, joliment illustrée par cette échappée burlesque dans les contrées du Grand Guignol.
D'un point de vue purement formel, Garrel fait montre d'une maîtrise éclatante. Il accumule les plans stylisés, les travellings élégants, les cadrages inattendus, dans une débauche de clins d'œil aux grands noms du cinéma de genre. En véritable cinéphile, il glisse même quelques hommages malicieux aux séries B des années 70, comme ces fondus enchaînés sur les armes à feu qui parodient les codes les plus éculés du polar. La photographie délicate d'Irina Lubtchansky confère une aura mélancolique aux visages, contrastant avec les situations les plus délirantes. Quant à la bande-originale, elle colle avec un sens confondant du tempo aux changements d'ambiance, alternant entre accents vintages et musique contemporaine.
Dans la veine des meilleures comédies populaires à la française, L'innocent conjugue à la perfection les genres, ménageant des respirations émotionnelles parmi les cascades burlesques. Un divertissement de haute volée, servi par un casting éclatant qui fait des étincelles à chaque scène.
Note : 8 / 10
Le film de Garrel (co-écrit avec le romancier Tanguy Viel) suit Abel, incarné par le réalisateur lui-même, un homme désabusé confronté au nouveau compagnon de sa mère, un certain Michel fraîchement sorti de prison. Soupçonnant ce dernier de préparer un mauvais coup, Abel et sa complice Clémence vont se retrouver embarqués malgré eux dans un braquage rocambolesque impliquant… du caviar iranien. Une prémisse qui fleure bon le délire, mais traitée avec un naturel et un sens du détail confondants.
Le scénario navigue avec brio entre polar délirant, romance improbable, mais aussi réflexions sur le deuil et la famille. Les genres s'entrechoquent avec une légèreté décomplexée, passant du rire aux larmes avec une aisance remarquable. On pense aux mélanges de tons si caractéristiques des polars déjantés à l'américaine, mais avec cette touche française qui donne tout son sel à l'entreprise. Les clichés du genre sont régulièrement détournés avec malice, dans un régal de clins d'oeil méta-cinématographiques savamment distillés. Une scène de braquage défiant la logique se révèle par exemple n'être qu'un jeu de rôle mené par les personnages pour se déclarer leur amour… Un pur bonheur !
Les personnages sont autant de figures attachantes et nuancées, loin des stéréotypes éculés. Je pense notamment à Anouk Grinberg, absolument renversante en mère trop aimante, aveuglée par ses pulsions amoureuses. Ou encore Roschdy Zem, d'une ambiguïté folle en ex-taulard insaisissable. Mais la palme revient à l'incandescente Noémie Merlant, déjà vue dans Portrait de la jeune fille en feu, qui vole littéralement la vedette à ses partenaires. Son personnage de Clémence, à la fois garce et ange gardien pleine de panache, est une pure merveille de composition.
Au-delà du pur divertissement, L'innocent aborde des thématiques vertigineuses, comme la rédemption, la filiation et l'acceptation de l'autre. Le film transmet avec tendresse et intelligence un message apaisant, presque bouddhiste : celui d'apprendre à lâcher prise, à jouer le jeu de la vie, et à savourer l'instant présent. Une philosophie réjouissante, joliment illustrée par cette échappée burlesque dans les contrées du Grand Guignol.
D'un point de vue purement formel, Garrel fait montre d'une maîtrise éclatante. Il accumule les plans stylisés, les travellings élégants, les cadrages inattendus, dans une débauche de clins d'œil aux grands noms du cinéma de genre. En véritable cinéphile, il glisse même quelques hommages malicieux aux séries B des années 70, comme ces fondus enchaînés sur les armes à feu qui parodient les codes les plus éculés du polar. La photographie délicate d'Irina Lubtchansky confère une aura mélancolique aux visages, contrastant avec les situations les plus délirantes. Quant à la bande-originale, elle colle avec un sens confondant du tempo aux changements d'ambiance, alternant entre accents vintages et musique contemporaine.
Dans la veine des meilleures comédies populaires à la française, L'innocent conjugue à la perfection les genres, ménageant des respirations émotionnelles parmi les cascades burlesques. Un divertissement de haute volée, servi par un casting éclatant qui fait des étincelles à chaque scène.
Note : 8 / 10
Vu le 7 avril 2024