• Julien   Lepage

Keiichi Hara, le réalisateur de Colorful, nous invite à traverser le miroir avec Le château solitaire dans le miroir, une adaptation du roman à succès de Mizuki Tsujimura. Présenté au Festival du Film d'Animation d'Annecy, ce film promettait de nous plonger dans les méandres de l'adolescence japonaise avec une touche de fantastique.

L'histoire suit Kokoro, une jeune fille qui, un beau jour, se retrouve aspirée par son miroir dans un château digne des contes de fées. Elle y rencontre six autres adolescents et une mystérieuse fillette masquée qui leur propose un défi : trouver une clef cachée dans le château pour réaliser leur vœu le plus cher. Ce qui semble être une échappatoire magique à leur quotidien se révèle être un voyage introspectif bien plus complexe.

Le scénario de Hara jongle habilement entre réalité et fantaisie, créant un parallèle saisissant entre le monde réel et celui du château. L'intrigue se déploie lentement, peut-être trop pour certains, mais cette langueur permet de tisser des liens subtils entre les personnages et leur environnement. On pourrait reprocher au film de prendre son temps, surtout dans sa première partie, mais c'est justement dans ces moments de calme apparent que se nichent les révélations les plus touchantes.

Les sept adolescents au cœur de l'histoire sont tous victimes de harcèlement scolaire, un thème malheureusement universel que Hara traite avec une sensibilité remarquable. Kokoro, notre protagoniste, est particulièrement bien développée, son évolution tout au long du film étant à la fois crédible et émouvante. Les autres personnages, bien que moins approfondis, apportent chacun une nuance intéressante à la réflexion sur l'isolement et la quête d'identité à l'adolescence.

Le film aborde des sujets lourds comme le harcèlement scolaire, le suicide chez les jeunes et même l'inceste, avec une délicatesse qui force le respect. Hara ne tombe jamais dans le sensationnalisme, préférant explorer les conséquences émotionnelles de ces traumatismes sur ses personnages. Le message du film, bien que parfois un peu appuyé, reste profondément humain : l'importance de l'empathie et de la communication pour surmonter ses difficultés.

Visuellement, Le château solitaire dans le miroir est un mélange de beauté et de simplicité. Les décors du château sont magnifiques, contrastant avec la banalité du monde réel, ce qui renforce l'aspect onirique de l'histoire. Cependant, l'animation elle-même peut sembler un peu conventionnelle, voire parfois en deçà des standards actuels de l'animation japonaise. La bande-son, quant à elle, accompagne parfaitement les émotions du film, tantôt discrète, tantôt envoutante.

Les performances vocales, tant en japonais qu'en version doublée, sont convaincantes. Ami Tôma, qui prête sa voix à Kokoro, réussit à transmettre toute la complexité émotionnelle de son personnage. Le reste du casting apporte une authenticité bienvenue à leurs rôles respectifs, même si certains personnages secondaires auraient mérité plus de profondeur.

Le château solitaire dans le miroir est comme une tasse de thé un peu trop infusée : il a du goût, de la profondeur, mais peut laisser un arrière-goût d'inachevé. Hara réussit à créer un film touchant et réfléchi sur les défis de l'adolescence, mais son rythme lent et son manque occasionnel de finesse visuelle peuvent freiner l'enthousiasme. C'est un film qui mérite d'être vu, ne serait-ce que pour son traitement sensible de sujets difficiles, mais qui aurait pu être excellent avec un peu plus de polish. Pour ceux qui apprécient les drames adolescents teintés de fantastique, je recommanderais également Silent voice de Naoko Yamada, qui aborde des thèmes similaires avec une maîtrise peut-être plus affirmée.

Note : 7 / 10