Making of
Avec Making of, Cédric Kahn nous offre une plongée fascinante dans les coulisses du cinéma, un terrain qu’il maîtrise parfaitement, mais qu’il aborde ici sous un angle très particulier : celui de la déconstruction. Il choisit de mettre en lumière les tensions, les absurdités et surtout les contradictions d’un tournage. Ce film s’inscrit à mi-chemin entre la satire sociale et le portrait acerbe d’une industrie qui jongle en permanence entre art et argent.
L’attente autour de Making of était grande, surtout après l’excellent Procès Goldman. Là où ce dernier portait un regard incisif sur un fait historique et politique, Kahn fait ici un virage complet, explorant cette fois les tracas d’un réalisateur en pleine création. Avec Denis Podalydès dans le rôle principal, celui de Simon, un cinéaste en crise, il tisse un film dans le film qui mêle conflits de production, égos surdimensionnés et luttes sociales.
Le concept est passionnant : Simon tente de tourner un film sur des ouvriers en grève pour sauver leur usine, mais se retrouve vite pris dans un conflit interne avec son propre staff, qui menace d’arrêter le tournage. Les financiers se retirent, les acteurs sont ingérables, et tout bascule. Ce chaos croissant renforce l’ironie de la situation : un réalisateur voulant faire un film sur une lutte sociale tout en étant en guerre avec sa propre équipe. C’est ce parallèle entre le monde ouvrier et celui du cinéma qui donne une grande partie de son intérêt au film, mais aussi une certaine lourdeur, car il manque parfois de finesse dans cette allégorie.
Le scénario a ses moments de génie, notamment dans sa manière de jongler entre la fiction et la réalité du tournage. Toutefois, on ne peut s’empêcher de noter une certaine mécanique dans le déroulé des événements. Les conflits sont prévisibles, les évolutions des personnages parfois forcées. Là où on attendait plus de nuance, Kahn enfonce parfois le clou un peu trop profondément, ce qui enlève une partie de l'authenticité de l’histoire.
Le film s’appuie sur des personnages hauts en couleur, à commencer par Simon, ce réalisateur surmené et dépassé par les événements. Podalydès incarne parfaitement cet homme tiraillé entre ses ambitions artistiques et la réalité économique. Son évolution est intéressante, mais aurait mérité plus de profondeur dans certains moments-clefs. À ses côtés, Jonathan Cohen campe un acteur mégalomane, incapable de se remettre en question. Ce personnage, bien qu’amusant sur le papier, finit par devenir presque caricatural, surtout avec ses répliques et ses crises d’égo prévisibles. Pourtant, quelques scènes, comme celle de la répétition où il surjoue à l'extrême, sont vraiment savoureuses.
Un autre personnage à retenir est Joseph, le jeune stagiaire interprété par Stefan Crepon, qui se voit confier le making-of du film. Il incarne l’innocence et la fraîcheur, observant ce monde chaotique avec des yeux écarquillés. Mais même ce personnage attachant tombe dans des schémas attendus, notamment à travers sa romance avec Nadia (Souheila Yacoub), une sous-intrigue qui n'apporte pas grand-chose au récit.
Les thématiques explorées sont riches, mais manquent parfois de subtilité. Le film met en scène les tensions entre art et commerce, et comment l’industrie du cinéma est soumise aux mêmes dynamiques de pouvoir que celles qu’elle tente de dénoncer. Le parallèle avec le monde ouvrier est appuyé de manière parfois trop évidente, là où un peu plus de légèreté aurait rendu le propos plus percutant. Cependant, l’idée de comparer le cinéma à une usine, avec ses rapports de force, est pertinente et bien exécutée dans certaines scènes.
La réalisation est solide, mais sans éclat particulier. Kahn maîtrise son sujet, et cela se voit dans la fluidité avec laquelle il alterne entre les scènes de tournage et celles montrant les coulisses. La photographie, bien que correcte, ne marque pas les esprits, tout comme la bande-son qui reste discrète. Il est dommage que l’aspect visuel ne reflète pas davantage le chaos et la confusion qui règnent sur ce plateau de cinéma.
En fin de compte, Making of est un film intéressant, mais qui ne tient pas toutes ses promesses. Il oscille constamment entre la comédie satirique et le drame social, sans jamais vraiment trouver son ton. Le concept du film dans le film est bien exploité, mais finit par manquer de profondeur et de spontanéité. C’est un film qui se laisse regarder, mais qui ne marque pas durablement. Ce n’est pas un échec, loin de là, mais il laisse un sentiment d’inachevé, comme si Kahn avait voulu dire trop de choses sans réussir à les articuler pleinement. Pour les amateurs de cinéma méta et de récits sur les coulisses, Making of vaut tout de même le détour, ne serait-ce que pour observer ce miroir tendu entre la création et la lutte sociale.
Note : 6 / 10
L’attente autour de Making of était grande, surtout après l’excellent Procès Goldman. Là où ce dernier portait un regard incisif sur un fait historique et politique, Kahn fait ici un virage complet, explorant cette fois les tracas d’un réalisateur en pleine création. Avec Denis Podalydès dans le rôle principal, celui de Simon, un cinéaste en crise, il tisse un film dans le film qui mêle conflits de production, égos surdimensionnés et luttes sociales.
Le concept est passionnant : Simon tente de tourner un film sur des ouvriers en grève pour sauver leur usine, mais se retrouve vite pris dans un conflit interne avec son propre staff, qui menace d’arrêter le tournage. Les financiers se retirent, les acteurs sont ingérables, et tout bascule. Ce chaos croissant renforce l’ironie de la situation : un réalisateur voulant faire un film sur une lutte sociale tout en étant en guerre avec sa propre équipe. C’est ce parallèle entre le monde ouvrier et celui du cinéma qui donne une grande partie de son intérêt au film, mais aussi une certaine lourdeur, car il manque parfois de finesse dans cette allégorie.
Le scénario a ses moments de génie, notamment dans sa manière de jongler entre la fiction et la réalité du tournage. Toutefois, on ne peut s’empêcher de noter une certaine mécanique dans le déroulé des événements. Les conflits sont prévisibles, les évolutions des personnages parfois forcées. Là où on attendait plus de nuance, Kahn enfonce parfois le clou un peu trop profondément, ce qui enlève une partie de l'authenticité de l’histoire.
Le film s’appuie sur des personnages hauts en couleur, à commencer par Simon, ce réalisateur surmené et dépassé par les événements. Podalydès incarne parfaitement cet homme tiraillé entre ses ambitions artistiques et la réalité économique. Son évolution est intéressante, mais aurait mérité plus de profondeur dans certains moments-clefs. À ses côtés, Jonathan Cohen campe un acteur mégalomane, incapable de se remettre en question. Ce personnage, bien qu’amusant sur le papier, finit par devenir presque caricatural, surtout avec ses répliques et ses crises d’égo prévisibles. Pourtant, quelques scènes, comme celle de la répétition où il surjoue à l'extrême, sont vraiment savoureuses.
Un autre personnage à retenir est Joseph, le jeune stagiaire interprété par Stefan Crepon, qui se voit confier le making-of du film. Il incarne l’innocence et la fraîcheur, observant ce monde chaotique avec des yeux écarquillés. Mais même ce personnage attachant tombe dans des schémas attendus, notamment à travers sa romance avec Nadia (Souheila Yacoub), une sous-intrigue qui n'apporte pas grand-chose au récit.
Les thématiques explorées sont riches, mais manquent parfois de subtilité. Le film met en scène les tensions entre art et commerce, et comment l’industrie du cinéma est soumise aux mêmes dynamiques de pouvoir que celles qu’elle tente de dénoncer. Le parallèle avec le monde ouvrier est appuyé de manière parfois trop évidente, là où un peu plus de légèreté aurait rendu le propos plus percutant. Cependant, l’idée de comparer le cinéma à une usine, avec ses rapports de force, est pertinente et bien exécutée dans certaines scènes.
La réalisation est solide, mais sans éclat particulier. Kahn maîtrise son sujet, et cela se voit dans la fluidité avec laquelle il alterne entre les scènes de tournage et celles montrant les coulisses. La photographie, bien que correcte, ne marque pas les esprits, tout comme la bande-son qui reste discrète. Il est dommage que l’aspect visuel ne reflète pas davantage le chaos et la confusion qui règnent sur ce plateau de cinéma.
En fin de compte, Making of est un film intéressant, mais qui ne tient pas toutes ses promesses. Il oscille constamment entre la comédie satirique et le drame social, sans jamais vraiment trouver son ton. Le concept du film dans le film est bien exploité, mais finit par manquer de profondeur et de spontanéité. C’est un film qui se laisse regarder, mais qui ne marque pas durablement. Ce n’est pas un échec, loin de là, mais il laisse un sentiment d’inachevé, comme si Kahn avait voulu dire trop de choses sans réussir à les articuler pleinement. Pour les amateurs de cinéma méta et de récits sur les coulisses, Making of vaut tout de même le détour, ne serait-ce que pour observer ce miroir tendu entre la création et la lutte sociale.
Note : 6 / 10
Vu le 2 octobtre 2024