• Julien   Lepage

La mouche est une œuvre majeure du cinéma d'horreur, signée par l'immense David Cronenberg. Sorti en 1986, ce film a marqué les esprits et influencé de nombreux longs-métrages du genre par la suite. Le cinéaste canadien renoue ici avec les thématiques chères qui ont jalonné sa carrière, notamment l'hubris scientifique et la frontière ténue entre l'humanité et la monstruosité.

Au cœur de cette fable cauchemardesque, on suit les péripéties de Seth Brundle, un brillant scientifique incarné par l'immense Jeff Goldblum. Après des années de recherches acharnées, Seth met au point une invention révolutionnaire : un système de téléportation permettant de déplacer la matière d'un point à un autre. Ivre de son génie et de son arrogance, il décide de s'auto-expérimenter, ne réalisant pas qu'une banale mouche s'est glissée avec lui dans la cabine de téléportation. Ce qui aurait dû être le couronnement d'une vie de travail se transforme en un cauchemar abject lorsque le code génétique de Seth fusionne avec celui de l'insecte.

Une métamorphose d'une répugnance rare s'enclenche alors, le scientifique se muant inexorablement en une créature hybride humaine et insecte, dans des séquences d'une atroce beauté réalisées de manière impeccable par Cronenberg. Le scénario, d'une intelligence folle, joue sur tous les ressorts de l'horreur pour nous plonger dans les affres d'une transformation organique d'une lenteur insoutenable. Une véritable descente aux enfers physique et mentale pour le personnage de Seth, interprété par un Jeff Goldblum absolument renversant, qui passe avec un réalisme glaçant de l'arrogant génie à la créature ignoble et pathétique.

Le pouvoir de fascination de La mouche réside dans sa capacité à traiter de thématiques profondes sur la condition humaine avec une atmosphère d'une noirceur rare. En voulant repousser les limites de la science, Seth Brundle déclenche une tragédie dont il est à la fois l'investigateur et la victime pantelante. Un avertissement brillant contre les dérives de la science porté par un cauchemar organique d'une insoutenable beauté.

Le film interroge également notre rapport à l'altérité radicale, à la difformité et à l'abjection la plus totale, dans une réflexion dérangeante mais nécessaire sur ce qui fait de nous des êtres humains. Une dimension presque philosophique sublimée par la prestation d'acteurs d'une intensité rare, à commencer par Geena Davis absolument renversante en journaliste déchirée entre son amour et l'horreur.

D'un point de vue formel, La mouche est une réussite éclatante portée par la réalisation magistrale de Cronenberg. Le cinéaste nous plonge dans une atmosphère étouffante et malsaine avec une maîtrise rare du cadre et de la mise en scène. Les effets spéciaux de maquillage signés Chris Walas, récompensés à juste titre par un Oscar, confèrent une dimension d'hyper-réalisme repoussant mais nécessaire à l'œuvre. Une claque visuelle d'une démesure folle qui n'a rien perdu de sa puissance avec les années.

Chef-d'œuvre à part entière, La mouche est une expérience cinématographique d'une noirceur et d'une intelligence rares. Un film culte incontournable qui transcende le genre de l'horreur pour interroger notre part d'humanité de manière viscérale et dérangeante. Une œuvre forte, dérangeante, d'une beauté inquiétante portée par des performances d'acteurs sensationnelles. Un must à (re)découvrir d'urgence !

Note : 9 / 10