• Julien   Lepage

Nous, les Leroy, premier long-métrage de Florent Bernard (alias FloBer pour les intimes du web), débarque sur nos écrans avec la promesse d'un road trip familial à la fois drôle et poignant. Avec Charlotte Gainsbourg et José Garcia en têtes d'affiche, on s'attendait à un voyage émotionnel haut en couleur. Le résultat est... disons, mitigé.

L'histoire est simple comme bonjour : Sandrine Leroy (Gainsbourg) veut divorcer. Son mari Christophe (Garcia), pas vraiment d'accord, organise un week-end familial pour recoller les morceaux, revisitant les lieux clefs de leur histoire commune. Un pitch qui sent un peu le réchauffé, façon On sourit pour la photo, mais qui prend ici quelques chemins de traverse intéressants.

Bernard, fan revendiqué de Judd Apatow et influencé par des œuvres comme À bout de course de Sidney Lumet, tisse son récit autour d'une idée plutôt maline : raconter vingt ans de vie conjugale à travers les messages laissés sur répondeur. C'est un fil rouge qui fonctionne par moments, même si à force, on a envie de décrocher le combiné. Le scénario oscille entre des instants de justesse touchante et des passages plus convenus, à l'image de ce faux road trip d'Autun à Dijon (autant dire de chez eux à chez papy).

Les personnages de Sandrine et Christophe sont bien campés, avec leurs défauts et leurs qualités. Christophe, en particulier, n'est pas épargné : colérique, jaloux, parfois culpabilisateur, il incarne un certain modèle de masculinité en crise. Sandrine, elle, symbolise ce désir de renouveau qui peut vous prendre après des années à écouter du Michel Sardou dans un vieux Land Rover. Les enfants, bien que moins développés, apportent leur grain de sel à la dynamique familiale, avec un réalisme qui sent le vécu.

Le film aborde des thèmes universels : l'usure du couple, la communication bancale au sein de la famille, la nostalgie d'un passé idéalisé. FloBer tente d'insuffler une certaine profondeur à son propos, notamment à travers des métaphores un peu appuyées (comme celle des boissons gazeuses), mais le résultat manque parfois de pétillant.

Côté réalisation, FloBer fait un travail honnête pour son baptême du feu. On sent l'influence de ses expériences dans le format court (il a notamment participé à La flamme), avec un rythme assez soutenu et des séquences bien découpées. La photographie de Julien Hirsch sublime joliment les décors a priori peu glamour de la France périphérique, transformant un banal parking de supermarché en tableau nostalgique sur fond de Niagara.

José Garcia et Charlotte Gainsbourg forment un duo étonnamment complémentaire. Garcia est dans un registre qu'on lui connaît, mais il apporte des nuances bienvenues à son personnage de père maladroit. Gainsbourg, elle, surprend dans un rôle comique qu'on ne lui avait pas vu souvent, jonglant habilement entre clown blanc et émotion contenue. Les seconds rôles, peuplés d'humoristes comme Baptiste Lecaplain, Jérôme Niel ou Benjamin Tranié, apportent des touches d'humour bienvenues, même si certaines apparitions semblent plus relever du clin d'œil entre copains que d'une réelle nécessité scénaristique.

Au final, Nous, les Leroy est un film qui ne manque pas d'ambition mais qui peine à trouver son rythme de croisière. Il y a de beaux moments d'émotion (la scène du premier appartement est particulièrement réussie) et des séquences drôles (le restaurant karaoké restera dans les mémoires), mais l'ensemble manque parfois de cohésion. On sent la patte personnelle de FloBer, son vécu qui transpire dans chaque scène (il s'est inspiré de sa propre expérience du divorce de ses parents), mais cela ne suffit pas toujours à transcender le matériau de base.

Le film évite heureusement le piège de la happy end facile, proposant une conclusion plus nuancée et réaliste sur la séparation. C'est louable, mais ça ne fait pas pour autant de Nous, les Leroy le chef-d'œuvre annoncé par son Grand Prix au festival de l'Alpe d'Huez. Pour les amateurs du genre, le film vaut le détour, ne serait-ce que pour voir Gainsbourg dans un registre inattendu. Mais ne vous attendez pas à une révolution du genre de la comédie familiale française. Nous, les Leroy reste un film sympathique, qui fera sans doute écho à beaucoup de spectateurs, sans pour autant marquer durablement les esprits. Un peu comme ces vacances en famille dont on garde un souvenir mi-figue mi-raisin : pas désagréables sur le moment, mais pas inoubliables non plus.

Note : 6 / 10