• Julien   Lepage

Dans les années 80, une vague de « rigueur » déferle sur l'Hexagone après les années d'insouciance des Trente Glorieuses. C'est dans ce contexte que Jacques Monnet, réalisateur injustement méconnu malgré le succès de Clara et les chics types avec Isabelle Adjani, nous sert cette savoureuse satire sur les contrôles fiscaux. Une comédie qui prend d'ailleurs un relief particulier quand on sait qu'elle sort en 1983, en plein mandat de « transcendance républicaine » de François Mitterrand où la chasse à la richesse bat son plein.

Au cœur de l'intrigue, un vétérinaire aisé et bon vivant, incarné par l'excellent Claude Brasseur, se retrouve dans le viseur d'une jeune inspectrice des impôts un brin coincée, campée par la truculente Josiane Balasko, fraîchement débarquée dans la police fiscale. Le contraste entre ces deux mondes que tout oppose promet déjà de savoureux étincelles !

Le scénario de Monnet exploite habilement les clichés du « riche » et de la « petite fonctionnaire » pour mieux les détourner avec malice. Brasseur n'a de riche que le train de vie bling-bling, mais ses manières frôlent la rustrerie. À l'inverse, Balasko semble sortir tout droit d'un moule bureaucratique strict avant de se laisser peu à peu apprivoiser par ce drôle de bonhomme. Les personnages sont des archétypes assumés, mais suffisamment nuancés pour ne pas tomber dans la caricature éculée.

Sur le fond, Monnet brosse un portrait à la fois léger et grinçant de la société française de cette époque. La critique sociale n'est jamais loin, avec ces riches qui ne le sont qu'en apparence et à crédit, et ces classes moyennes un brin réac sur lesquelles le pouvoir d'achat plafonne. Mais le réalisateur a l'intelligence de ne pas trop en faire, et de laisser l'essentiel du film à la comédie de situation déjantée, dans la plus pure tradition du théâtre de boulevard.

D'ailleurs, qu'elle est savoureuse cette confrontation entre le « riche » mal dégrossi et la cheftaine aux airs peu avenants ! Une rencontre improbable qui donne lieu à des scènes d'anthologie comme cette fameuse dispute de couple qui vire à la foire d'empoigne avant de se terminer par un… baiser fougueux ! Les dialogues sont ciselés, les situations loufoques s'enchaînent avec un sens certain du rythme et du burlesque. On rit des quiproquos, des coups bas mutuels, des déconvenues tragi-comiques de ces deux âmes que la vie a tout fait pour ne pas réunir.

Dans cet épanouissement du petit théâtre de l'absurde, Jean-Pierre Marielle en remet une couche avec sa verve et son jeu grandiose de séducteur impénitent. Les autres seconds rôles, de Pascale Ogier à Jean Reno (dans une apparition furtive), apportent leur pièce à l'édifice avec beaucoup d'à-propos.

Pas la comédie du siècle donc, et pourtant une petite pépite qui n'a pas pris une ride. Signes extérieurs de richesse fait partie de ces films qu'on a plaisir à redécouvrir, ne serait-ce que pour les répliques désopilantes et la prestation des acteurs. Une comédie jubilatoire comme on les aime, portée par un trio d'as. Et en prime, le générique signé par un certain Johnny Hallyday, dont les chansons collent à merveille à l'esprit décalé du film ! De quoi replonger avec délice dans l'ambiance si particulière des années 80.

Note : 6 / 10