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Les cent vingt journées de Sodome
Donatien Alphonse François de Sade
1785

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Les cent vingt journées de SodomeLe marquis de Sade n'était plus à une provocation près lorsqu'il entreprit la rédaction de son magnum opus, Les 120 Journées de Sodome, lors de son emprisonnement à la Bastille en 1785. Enfermé pour avoir scandalisé la bonne société avec ses écrits licencieux et ses frasques érotiques, le divin marquis décida de pousser l'audace jusqu'à l'extrême en assemblant un véritable catalogue des pires perversions et actes de torture imaginables. Dès les premières pages, le ton est donné : quatre libertins fortunés enlèvent un groupe de jeunes personnes des deux sexes pour les enfermer dans un lieu isolé et assouvir sur eux leurs désirs les plus abjects. Ce qui suit est un enchaînement systématique de sévices sexuels, de viols, de tortures et de meurtres d'une violence inouïe, décrits avec force détails crus. On passe de l'inceste à la nécrophilie, de la scatophilie à la pédophilie, sans aucun tabou épargné. Un véritable déferlement de noirceur et de cruauté qui peut laisser le lecteur pantelant. Et pourtant, derrière cette débauche de vice et d'horreur se cache une intention qui dépasse la simple provocation. Comme à son habitude, Sade forge une œuvre subversive, un brûlot contre l'hypocrisie de la société de son temps. En poussant les comportements humains jusqu'à leurs ultimes retranchements, il cherche à dévoiler la face sombre qui sommeille en chacun. Une plongée grinçante dans les bas-fonds de la psyché pour mieux dénoncer la fausse pudeur ambiante. On peut d'ailleurs voir un paradoxe amusant dans le fait que ce livre ultra-transgressif nous soit parvenu dans un état inachevé. En effet, lors des évènements révolutionnaires de 1789, le précieux manuscrit orignal fut égaré, ne laissant à la postérité que le premier des quatre segments prévus, relatant en détail le premier mois des atrocités. Un comble pour une œuvre d'une telle radicalité ! Bien que d'une noirceur extrême, le génie littéraire de Sade ne fait aucun doute. Son style percutant et ses personnages hauts en couleur, poussés au paroxysme du vice, ancrent son livre dans une forme de réalisme grinçant. On peut certes lui reprocher un certain manque de variété dans les rituels sadiques décrits. Mais n'est-ce pas là le propre d'une œuvre dérangeante que de laisser le lecteur exsangue, suffoqué par cette plongée en enfer ? Ce livre monumental n'en reste pas moins une œuvre charnière de la littérature, préfigurant les thèmes qui occuperont les penseurs des siècles suivants. De Freud à Foucault, nombreux sont ceux qui s'y réfèreront pour approfondir la nature du désir et de la transgression. Une œuvre d'une richesse indicible, à n'aborder qu'avec la plus grande prudence, mais qui mérite amplement son statut de classique pour tous ceux qui osent se confronter à l'insondable noirceur humaine.

Note : 8 / 10

Lu le 3 février 2014



       


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