Saint Amour
Réalisé par les inséparables trublions du cinéma grolandais, Gustave Kervern et Benoît Delépine, Saint Amour promettait une rencontre au sommet entre deux figures emblématiques : Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde. Ce road movie viticole nous invite à sillonner les routes des plus beaux vignobles de France, offrant une toile de fond pittoresque à une exploration des relations familiales complexes. L'attente était grande autour de cette comédie dramatique qui, sur le papier, avait tout pour séduire : un duo d'acteurs de renom, un voyage initiatique à travers le terroir français, et la touche d'absurde propre aux réalisateurs.
L'intrigue se concentre sur Jean, un agriculteur veuf et taiseux, et son fils Bruno, éternel adolescent désabusé, noyant son mal-être dans l'alcool. Après une énième dispute lors du Salon de l'agriculture, Jean décide de tenter le tout pour le tout pour renouer avec son fils : il l'embarque dans une tournée des vins de France, espérant que ce périple les rapprochera. Accompagnés de Mike, un jeune chauffeur de taxi interprété par Vincent Lacoste, ils parcourent les routes du Beaujolais au Bordelais, en passant par le Languedoc et la vallée du Rhône. Au fil des rencontres insolites et des dégustations, les masques tombent, révélant des failles profondes et des aspirations enfouies.
Si le scénario repose sur une idée séduisante, il souffre néanmoins d'un manque de cohérence et de profondeur. Le film semble hésiter entre plusieurs directions sans jamais s'attacher véritablement à une ligne directrice forte. Les étapes du voyage se succèdent comme autant de saynètes, introduisant des personnages secondaires intéressants mais souvent sous-exploités. Cette accumulation de situations et de rencontres donne une impression de dispersion, et les thèmes abordés — la solitude, le désir de renouer les liens familiaux, la quête de soi — ne sont pas suffisamment développés pour émouvoir pleinement. On aurait souhaité que le film s'attarde davantage sur certaines idées prometteuses, plutôt que de les effleurer.
Les personnages principaux, Jean et Bruno, sont au cœur du récit. Cependant, la relation père-fils entre Depardieu et Poelvoorde peine à convaincre. La différence d'âge trop réduite entre les deux acteurs — à peine quinze ans — rend cette filiation peu crédible. Malgré les efforts de maquillage pour vieillir Jean, on a du mal à croire à cette dynamique familiale, ce qui nuit à l'authenticité du récit. Leur interaction manque d'alchimie, et les tensions comme les moments de complicité sonnent parfois faux. Cette incohérence de casting est regrettable, car elle constitue un frein à l'engagement émotionnel du spectateur.
Les thèmes du film, tels que la difficulté de communiquer, le poids du non-dit, et la recherche de rédemption, sont abordés avec une légèreté qui, si elle peut séduire, manque parfois de profondeur. Le voyage initiatique à travers les vignobles aurait pu être une métaphore puissante de la maturation des personnages, mais il reste souvent en surface. Les réalisateurs tentent d'insuffler leur poésie habituelle et leur goût pour l'absurde, mais ces éléments ne suffisent pas à compenser les faiblesses du scénario.
Sur le plan de la réalisation, Kervern et Delépine restent fidèles à leur style épuré et naturaliste. La photographie met en valeur les paysages français, offrant de belles images des vignobles et des campagnes traversées. La mise en scène, sans fioritures, laisse la place aux acteurs et à leurs dialogues. Toutefois, le rythme du film souffre de quelques longueurs, et certaines scènes s'étirent sans apporter de réel intérêt à l'histoire. La bande-son, composée par Sébastien Tellier, apporte une touche mélancolique et décalée qui colle bien à l'univers du film.
Les performances des acteurs sont inégales. Benoît Poelvoorde livre une interprétation fidèle à lui-même, oscillant entre humour et mélancolie, mais son personnage manque de nuances. Gérard Depardieu, quant à lui, semble parfois en retrait, comme s'il n'était pas totalement investi dans son rôle. Leur duo ne parvient pas à créer l'étincelle attendue. En revanche, les apparitions de Vincent Lacoste apportent une fraîcheur bienvenue, et son personnage de chauffeur de taxi candide et un peu lunaire offre quelques-uns des meilleurs moments du film.
L'intervention de Michel Houellebecq, dans un caméo savoureux, est l'un des points forts du film. Son interprétation truculente du propriétaire de la chambre d'hôtes est à la fois décalée et mémorable, apportant une dose d'humour absurde qui fonctionne parfaitement. Cette scène illustre le potentiel du film lorsqu'il ose sortir des sentiers battus et exploiter pleinement l'excentricité de ses personnages.
Malgré ses qualités esthétiques et quelques moments réussis, Saint Amour laisse un sentiment mitigé. Le film avait tous les ingrédients pour être une comédie dramatique touchante et originale, mais il se perd dans des longueurs et une dispersion narrative qui diluent son propos. La relation père-fils, qui aurait dû être le pilier émotionnel du récit, ne parvient pas à émouvoir comme elle le devrait. Les bonnes idées sont là, mais elles ne sont pas suffisamment exploitées pour donner au film toute sa saveur.
En conclusion, Saint Amour est une œuvre qui séduira peut-être les inconditionnels du duo grolandais, ainsi que les amateurs de comédies françaises atypiques. Toutefois, pour ceux qui espéraient une exploration profonde des relations familiales sur fond de voyage initiatique, le film risque de décevoir. Il reste néanmoins des moments d'humour et de poésie, portés par un casting talentueux, mais qui ne suffisent pas à faire de Saint Amour le grand cru attendu. Pour une expérience similaire mieux aboutie, on pourra se tourner vers Mammuth du même duo, ou encore vers Les apprentis de Pierre Salvadori, qui aborde avec justesse les thèmes de l'errance et de l'amitié.
Note : 6 / 10
L'intrigue se concentre sur Jean, un agriculteur veuf et taiseux, et son fils Bruno, éternel adolescent désabusé, noyant son mal-être dans l'alcool. Après une énième dispute lors du Salon de l'agriculture, Jean décide de tenter le tout pour le tout pour renouer avec son fils : il l'embarque dans une tournée des vins de France, espérant que ce périple les rapprochera. Accompagnés de Mike, un jeune chauffeur de taxi interprété par Vincent Lacoste, ils parcourent les routes du Beaujolais au Bordelais, en passant par le Languedoc et la vallée du Rhône. Au fil des rencontres insolites et des dégustations, les masques tombent, révélant des failles profondes et des aspirations enfouies.
Si le scénario repose sur une idée séduisante, il souffre néanmoins d'un manque de cohérence et de profondeur. Le film semble hésiter entre plusieurs directions sans jamais s'attacher véritablement à une ligne directrice forte. Les étapes du voyage se succèdent comme autant de saynètes, introduisant des personnages secondaires intéressants mais souvent sous-exploités. Cette accumulation de situations et de rencontres donne une impression de dispersion, et les thèmes abordés — la solitude, le désir de renouer les liens familiaux, la quête de soi — ne sont pas suffisamment développés pour émouvoir pleinement. On aurait souhaité que le film s'attarde davantage sur certaines idées prometteuses, plutôt que de les effleurer.
Les personnages principaux, Jean et Bruno, sont au cœur du récit. Cependant, la relation père-fils entre Depardieu et Poelvoorde peine à convaincre. La différence d'âge trop réduite entre les deux acteurs — à peine quinze ans — rend cette filiation peu crédible. Malgré les efforts de maquillage pour vieillir Jean, on a du mal à croire à cette dynamique familiale, ce qui nuit à l'authenticité du récit. Leur interaction manque d'alchimie, et les tensions comme les moments de complicité sonnent parfois faux. Cette incohérence de casting est regrettable, car elle constitue un frein à l'engagement émotionnel du spectateur.
Les thèmes du film, tels que la difficulté de communiquer, le poids du non-dit, et la recherche de rédemption, sont abordés avec une légèreté qui, si elle peut séduire, manque parfois de profondeur. Le voyage initiatique à travers les vignobles aurait pu être une métaphore puissante de la maturation des personnages, mais il reste souvent en surface. Les réalisateurs tentent d'insuffler leur poésie habituelle et leur goût pour l'absurde, mais ces éléments ne suffisent pas à compenser les faiblesses du scénario.
Sur le plan de la réalisation, Kervern et Delépine restent fidèles à leur style épuré et naturaliste. La photographie met en valeur les paysages français, offrant de belles images des vignobles et des campagnes traversées. La mise en scène, sans fioritures, laisse la place aux acteurs et à leurs dialogues. Toutefois, le rythme du film souffre de quelques longueurs, et certaines scènes s'étirent sans apporter de réel intérêt à l'histoire. La bande-son, composée par Sébastien Tellier, apporte une touche mélancolique et décalée qui colle bien à l'univers du film.
Les performances des acteurs sont inégales. Benoît Poelvoorde livre une interprétation fidèle à lui-même, oscillant entre humour et mélancolie, mais son personnage manque de nuances. Gérard Depardieu, quant à lui, semble parfois en retrait, comme s'il n'était pas totalement investi dans son rôle. Leur duo ne parvient pas à créer l'étincelle attendue. En revanche, les apparitions de Vincent Lacoste apportent une fraîcheur bienvenue, et son personnage de chauffeur de taxi candide et un peu lunaire offre quelques-uns des meilleurs moments du film.
L'intervention de Michel Houellebecq, dans un caméo savoureux, est l'un des points forts du film. Son interprétation truculente du propriétaire de la chambre d'hôtes est à la fois décalée et mémorable, apportant une dose d'humour absurde qui fonctionne parfaitement. Cette scène illustre le potentiel du film lorsqu'il ose sortir des sentiers battus et exploiter pleinement l'excentricité de ses personnages.
Malgré ses qualités esthétiques et quelques moments réussis, Saint Amour laisse un sentiment mitigé. Le film avait tous les ingrédients pour être une comédie dramatique touchante et originale, mais il se perd dans des longueurs et une dispersion narrative qui diluent son propos. La relation père-fils, qui aurait dû être le pilier émotionnel du récit, ne parvient pas à émouvoir comme elle le devrait. Les bonnes idées sont là, mais elles ne sont pas suffisamment exploitées pour donner au film toute sa saveur.
En conclusion, Saint Amour est une œuvre qui séduira peut-être les inconditionnels du duo grolandais, ainsi que les amateurs de comédies françaises atypiques. Toutefois, pour ceux qui espéraient une exploration profonde des relations familiales sur fond de voyage initiatique, le film risque de décevoir. Il reste néanmoins des moments d'humour et de poésie, portés par un casting talentueux, mais qui ne suffisent pas à faire de Saint Amour le grand cru attendu. Pour une expérience similaire mieux aboutie, on pourra se tourner vers Mammuth du même duo, ou encore vers Les apprentis de Pierre Salvadori, qui aborde avec justesse les thèmes de l'errance et de l'amitié.
Note : 6 / 10
Vu le 1 novembre 2024
Lire la critique sur le site d'Antoine Lepage