
Après
Squid game et son immense succès (très saisonnier),
Stranger things est assez largement la série la plus vue sur Netflix. Vaut-elle vraiment ce succès ?
L'histoire se déroule en 1983 à Hawkins, ville fictive de l'Indiana. On y suit une bande de quatre copains, âgés d'une douzaine d'années, unis par le fait qu'ils soient dans la même classe, mais surtout par une passion pour le jeu de rôle
Donjons et Dragons (à noter que si, comme moi, vous vous posiez la question de l'absence de donjons dans ce jeu mythique, c'est tout simplement parce que
dungeon signifie en anglais
cachot, et pas du tout
donjon). Bref ! Cette petite bande se retrouve confrontée à un événement inattendu : un soir,
Will (
Noah Schnapp) disparait ! Rapidement, sa mère,
Winona Ryder, comprendra que son fils est encore vivant, tout près d'eux, dans une sorte de réalité parallèle. À ce petit groupe viennent se greffer un certain nombre de personnages, à commencer par
David Harbour en policier bougon et balourd, mais sincèrement impliqué,
Millie Bobby Brown en
11, une fillette au crâne rasée échappée du laboratoire d'Hawkins, et visiblement dotée de pouvoirs psychokinésiques, ou encore
Charlie Heaton, grand frère du porté disparu.
Dès cette première saison, les qualités de la série sautent aux yeux. La mise en scène, bien que peu originale, est excellente, le scénario, lui aussi en cruel manque d'originalité, est bien ficelé, les références aux années 80, si elles ne sont pas discrètes, sont bien senties, et toujours appréciables. Enfin, ce qui fait la réelle force du feuilleton, c'est clairement sa distribution. Parmi le groupe d'enfants, déjà, si
Noah Schnapp est assez peu présent à l'écran, seul
Finn Wolfhard est assez mal choisi, et pas très intéressant.
Caleb McLaughlin, lui, est assez discret, mais prendra en assurance dans les saisons suivante, prouvant qu'il avait bien sa place au sein du quatuor. Enfin,
Gaten Matarazzo en
Dustin est absolument parfait ici.
Le duo
David Harbour /
Winona Ryder est lui aussi très bien senti, bien qu'à ses balbutiements lors de cette première saison (quel plaisir, d'ailleurs, de retrouver l'ancienne égérie de
Tim Burton dans un rôle à sa hauteur). L'autre duo
Charlie Heaton /
Natalia Dyer fonctionne lui aussi plutôt bien, complétée par un
Joe Keery (
Steve) encore timide, mais qui prendra lui aussi de l'ampleur par la suite. Et évidemment, la jeune
Millie Bobby Brown est clairement la révélation de la série dans son rôle très similaire à celui que tenait
Drew Barrymore dans le film
Charlie, adaptation d'un roman de
Stephen King.
Côté scénario, donc, on sent que la série est un agrégat de tout un tas d'inspirations entre fantastique et horreur, le tout orienté pour plaire aux ados / jeunes adultes, mais aussi et surtout à tous ceux ayant grandi dans les années 80. Ce n'est pas un hasard si les frères
Duffer sont nés en 1984. Année de sortie de
Charlie, il n'y a pas d'hasard !
Un mélange d'œuvres variées, donc, dont le résultat est plutôt réussi, bien qu'assez lisse. Ceci dit, cette saison plante le décor pour une suite particulièrement attendue, et annoncée par la dernière scène du dernier épisode.
Suite au succès immédiat de la série, la saison 2 débarque à peine quinze mois plus tard, avec les mêmes acteurs. auxquels s'ajoutent l'excellent
Sean Astin en
Bob la malice, nouveau compagnon de
Winona Ryder, mais aussi
Sadie Sink en
Maxine aka «
Mad Max » et
Dacre Montgomery (
Billy) une jeune fille et son demi-frère, nouveaux venus en ville.
Cette fois,
Will est possédé par une créature venue du monde à l'envers. Le petit groupe devra déjouer ses plans avant qu'elle n'envahisse la ville.
Pas plus original qu'en première saison, le scénario apporte toutefois quelques jolies trouvailles. Pour autant, le rythme est plutôt en deçà, et surtout, certains passages sont parfaitement inutiles — quand ce n'est pas, carrément, un épisode entier, avec l'épisode sept dans lequel
11 fugue et retrouve sa sœur, qu'on ne verra plus jamais par la suite.
C'est dommage, car certaines bonnes idées, comme
D'Art' ou la présence de
Max sont mal exploitées. Le résultat est une saison qui souffle le chaud et le froid, et qui déçoit par rapport à la première. Cependant, cette saison a beaucoup de similitudes avec la série allemande
Dark et le ton général, un peu plus mature, est de bon augure pour la suite.
…finalement, on peut oublier cette dernière phrase. Pour cette saison 3, la maturité se fait la malle ! Beaucoup plus légère, et aux tons comiques, celle-ci met en scène la petite bande pendant leurs vacances d'été 85 (au moment de la sortie de
Retour vers le futur). On y suivra particulièrement
Gaten Matarazzo — dont le personnage de
Dustin avait été très décevant en saison 2, mais qui revient en force — formant un duo hilarant et touchant avec un
Joe Keery en
Steve très en forme. Ils sont rejoints par une petite nouvelle :
Maya Hawke — la fille (et ça se voit !!!) d'
Ethan Hawke et d'
Uma Thurman — en collègue sarcastique. Un trio qui fonctionne extrêmement bien !
Par ailleurs, le personnage de
Brett Gelman en
Murray est lui aussi bien développé, et est lui aussi très drôle. Une saison complètement à part, donc, clairement orientée sur l'humour, qui laissera coi une partie du public. Pour ma part, ayant regardé les quatre saisons à la suite, j'ai beaucoup aimé cet interlude relaxant, qui atteindra son paroxysme lors d'un duo musical à mourir de rire sur le thème de l'
Histoire sans fin.
Côté fantastique / horreur plus traditionnel, la saison n'est pas en reste, avec une entité qui prend possession des habitants de la ville, à la manière de
Body snatchers, donnant à Hawkins des airs de
Village des damnés. Alors oui, les scènes d'humour viennent désamorcer la tension horrifique, mais ce parti pris n'est pas forcément mauvais. Il trouvera ses détracteurs, à n'en point douter, mais je n'en fais pas partie.
Cette quatrième saison (l'avant-dernière
a priori) change une nouvelle fois de ton, et se retrouve éclatée entre différentes histoires, et entre différents groupes de personnages. C'est une bonne idée, puisque cela va permettre de donner de l'importance à chacun des personnages, mais d'un autre côté, fatalement, certains groupes seront moins intéressants que d'autres, voire pas intéressants du tout ! C'est le cas du groupe californien, avec
Will devenu une caricature de lui-même,
Mike plus insupportable que jamais, et
11 complètement inutile. Heureusement, d'autres communautés seront plus intéressantes, notamment
Jonathan et son nouvel ami
Argyle-la-défonce doublé par l'excellent
Donald Reignoux, ou le tandem de choc
Joyce /
Murray. Le personnage d'
Eddy, président du club Hellfire, incarné par
Joseph Quinn est particulièrement bien travaillé, lui aussi, bien qu'un peu caricatural. Mention spéciale également à
Jamie Campbell Bower très bon en
Vecna, et encore meilleur en
1.
En dehors de ses personnages, cette saison se démarque par une côté visuel plus travaillé, et surtout plus sombre. Les scènes des meurtres commis par
Vecna sont franchement réussies, et sont loin de la sobriété de la première saison. Les scènes dans le monde à l'envers, et plus particulièrement celle du concert, sont très puissantes. On regrette plus d'une fois de ne pas être devant un grand écran.
Une quatrième saison très réussie, donc, même si — et c'est là le principal problème de la série — le scénario aurait gagné à être plus travaillé.
Stranger things est donc clairement une excellente série, certes, mais à condition de savoir à quoi s'attendre. Sans être un divertissement familial comme les
Goonies, la série n'est pas non plus une référence de l'horreur ou de l'épouvante. Ceux qui y cherchent une source de frissons ne sont pas au bon endroit. En gros, sur une échelle allant de
Chair de poule à
Lovecraft, on est sur un
Stephen King. Tout en gardant ça en tête, clairement, cette série vaut le coup d'œil.
Note :
7 / 10