Trahison
Julien Lepage
L'indigo de la mer et le vermeil du ciel donnaient à la plage d'Elagia un aspect divinement irréel, plongeant le capitaine Kéo Nervénoë, qui sirotait un cocktail typique de cette planète et dont les fragrances le berçaient nonchalamment, dans une délicieuse extase. Ces vacances durement obtenues étaient un vrai soulagement pour lui et son équipage, aussi lorsque son téléphone sonna, c'est avec une moue déconfite qu'il décrocha, et la personne qui répondit à son « allô » n'était franchement pas quelqu'un auquel Kéo se serait attendu, puisqu'il s'agissait du secrétaire du roi Gédéon III du système des sirins, l'une des plus importantes fortunes de l'univers, et son interlocuteur lui annonçait que le roi en personne souhait s'entretenir avec lui.
Bien qu'il comprit instantanément qu'il s'agissait d'un travail qu'on lui proposerait, le capitaine Nervénoë ne put décliner la conversation et était d'ores et déjà résolu à quitter ce paradis et mettre un terme anticipé à ses vacances. Cependant, connaissant de réputation le richissime souverain, il se dit en son for intérieur que la récompense qu'il y aurait à la clef serait plus qu'intéressante, aussi la reprise du travail lui paraissait moins pénible, et il savait que l'équipage comprendrait parfaitement cet état des choses. Le secrétaire mit en relation le roi avec Kéo, après que ce dernier ait donné son approbation, et la voie du monarque – qu'il entendait pour la première fois – lui parut empreinte d'une jovialité inattendue, voire incongrue, tant il s'attendait à y trouver une certaine austérité caractéristique de l'a priori que l'on se fait généralement des hommes de pouvoir. C'était pourtant bien sur un ton agréablement guilleret que le roi Gédéon III salua son interlocuteur d'une manière certainement peu conforme au protocole. Le roi rentra rapidement dans le vif du sujet, et confia au commandant du « Sans coup férir » l'objet de la mission dont il aurait aimé le voir se charger. Il s'agissait d'une livraison comme il était habitué à en faire, et le souverain confia qu'il avait eu des échos extrêmement positifs des précédentes missions accomplies avec brio par le jeune homme, raison pour laquelle il avait « décidé » de faire appel à lui et ses hommes pour ce convoi hors du commun. Hors du commun, car la livraison que Kéo Nervénoë aurait à faire – s'il l'acceptait – serait de transporter une cargaison spéciale sur la planète géante Aquavipe, réputée, elle aussi, pour sa richesse, la différence résidant dans le fait que cette dernière était extrêmement jeune, car colonisée il y a moins de vingt ans, achetée par le marquis Belgum IV, cousin de Gédéon III.
Belgum avait décidé de transformer sa planète en gigantesque paradis pour milliardaires, avec ce que l'humanité pouvait produire de plus luxueux en palaces, et autres prestigieux complexes. Cependant, comme l'on peut aisément l'imaginer, ce rêve nécessite des fonds en quantité démentielle, et la fortune du marquis – bien que considérable – ne suffirait pas, aussi son cousin, émerveillé par la grandeur de ce projet, avait-t-il décidé de venir financièrement en aide à la menée à bien de ce projet, et c'est justement là qu'intervient l'équipage du « Sans coup férir », puisque la mission consiste justement à transporter de l'argent sous forme de métaux ultra-précieux sur la planète Aquavipe.
Le roi Gédéon s'était visiblement adressé à la bonne personne, d'autant plus que – comme Kéo l'avait imaginé – le salaire était plus qu'alléchant, aussi non seulement Kéo, mais également tout son équipage après qu'il leur en eu parlé, acceptèrent avec enthousiasme cette livraison spéciale, car bien qu'icelle interrompe inopinément leurs vacances, les sommes perçues leur permettraient à coup sûr de les reprendre une fois le périple terminé, et les vacances sont toujours plus agréable avec un petit pécule supplémentaire, une « somme additionnelle », si l'auteur peut se permettre un trait d'esprit.
Kéo Nervénoë avait rassemblé ses hommes sur le tarmac afin de leur exposer la manière dont ils allaient procéder. L'objectif de la première étape était simple puisqu'il s'agissait d'aller récupérer la cargaison sur Poséidon, la planète capitale du système des sirins, sur laquelle était établi le palais du roi Gédéon. C'est par la suite que la mission se compliquerai, car il s'agira cette fois de se rendre sur Aquavipe en évitant d'une part les routes fréquentées, et d'autre part en prenant soin de ne divulguer à quiconque l'itinéraire qu'ils emprunteraient, et c'est d'ailleurs dans cette optique que Kéo Nervénoë n'annoncerai à son équipage le parcours choisi qu'au moment de quitter Poséidon.
Les hommes montèrent à bord du vaisseau, qui, quelques minutes plus tard, s'ionisait dans la haute atmosphère d'Elagia, en vue de leur passage dans l'univers jumeau, puis l'éclair bleuté caractéristique du déchirement de l'espace-temps éclaira brièvement le ciel déjà assombri du crépuscule élagien.
Dans l'hyperespace, le « Sans coup férir » fusait à une vitesse supraluminique en direction du système des sirins, qu'il finit par atteindre en une petite dizaine d'heures de voyage qui se déroula sans encombre. Le vaisseau reçu l'autorisation d'atterrir dès son approche de la planète de destination.
Leur accueil sur la planète fut au-delà des espérances qu'ils auraient eu pu avoir, et même telle que quiconque eu pu avoir, car du pied de leur vaisseau partait un sublime tapi de soie cramoisi, longé de soldats aux costumes impeccables et à la posture exemplaire. À l'autre bout de ce tapis se trouvait le roi Gédéon III en personne, tout sourire, la main tendue en direction du capitaine Nervénoë qui venait de s'engager hors de la navette, descendant les marches de la passerelle amovible. Le monarque était l'archétype du bonhomme rondouillard et sympathique qu'une imposante moustache déjà blanchie ne parvenait pas à rendre sérieux. Seule sa tenue remarquable laissait paraitre un tant soit peu l'extraordinaire pouvoir de cet homme, derrière lequel se dressait sa demeure : le Palais Marin, célèbre dans tout l'univers pour sa somptuosité indescriptible. L'architecture formidable du bâtiment à elle seule forcerait le respect, mais le plus incroyable réside dans le fait que l'intégralité des murs du palais est en réalité un gigantesque et unique aquarium dans lequel vivent des millions d'espèces marines, venues de centaines de planètes différentes, offrant un florilège de ce que la nature fait de plus beau, mais le clou du spectacle se trouve en plein cœur de la demeure, au centre du hall d'entrée où se situe un aquarium isolé à la taille incommensurable autour duquel circule un petit train, filant à vingt kilomètres par heure, et en faisant le tour en quarante minutes. Et c'est dans cet aquarium que se trouvent les deux seules mégabaleines en captivité. Ces animaux, dont l'apparence rappelle celle des baleines dont elles tirent leurs noms, ne mesurent pas moins de deux cent mètre de long, en faisant ainsi les animaux les plus massifs jamais observés. Le spectacle qu'offrent ces étranges créatures est d'une beauté féérique, et peu d'hommes peuvent se vanter d'en avoir vu. Cet environnement si particulier tirait même des larmes des yeux de certains membres de l'équipage, émus par ce qu'ils avaient devant eux, et cette troupe d'une dizaine d'individus offrait une scène amusante au regard du roi, car chacun tournait la tête dans tous les sens afin de se délecter visuellement de ce panorama unique au monde.
Une fois que l'équipage fut apte à reprendre une activité normale, le roi les conduisit dans la une petite pièce, apparemment accessible uniquement en passant par une petite porte dérobée, fondue dans le turquoise de l'aquarium. La pièce, nue, ne contenait que la cargaison que les hommes allaient devoir conduire sur Aquavipe, enfermée dans une solide et imposante malle, qui, lorsque le roi l'ouvrit, laissa les spationautes pantois, tant les richesses accumulées en un si petit endroit étaient importantes, et l'amoncellement de métaux précieux, comme le rhodium ou le platine était absolument incroyable. Il y avait là de quoi acheter un système planétaire entier ! Kéo Nervénoë comprenait mieux à quel point la mission qu'il s'était vu confiée était risquée et se dit que, finalement, le salaire – exorbitant s'il en est – était justifié.
C'est dans cette pièce, une fois amputée de la présence du roi, que le capitaine tint sa réunion à propos de la seconde partie de leur quête, à savoir la livraison de la marchandise, et détailla méticuleusement l'itinéraire qu'il avait choisi et s'assura que chacun eut compris ce qu'il aurait à faire, car il est vrai qu'une route telle qu'ils allaient l'emprunter était assez inhabituelle non seulement de par sa direction de départ – contraire à la direction dans laquelle se trouve Aquavipe – mais également par les zigzags qu'ils allaient effectuer, afin de troubler au maximum les éventuels pirates qui pourraient se dresser devant eux au cours de ce périple. D'après ses calculs, le trajet ne durerait pas moins de deux semaines, quand on sait qu'il suffit en temps normal de trois jours pour atteindre l'astre en question, cependant, il n'y avait pas matière à mettre en doute les choix du capitaine, qui savait visiblement ce qu'il faisait.
Ainsi, conformément aux ordres de Kéo Nervénoë, la cargaison fut chargée le lendemain matin à l'aube. Tandis que cinq hommes s'affairaient à transporter la lourde caisse, les quatre autres cernaient le chemin menant au vaisseau, conséquemment armés. Une fois la caisse à bord, Kéo et son second, Jéon Staran, saluèrent le roi avec tout le respect qu'exige la coutume, puis refermèrent la lourde porte de l'astronef, qui prit son envol quelques minutes plus tard pour partir comme convenu dans la direction inverse à la planète Aquavipe avant de disparaître dans l'univers jumeau pour un premier saut dans l'hyperespace.
Le début du voyage – la première semaine – se déroula parfaitement bien, et la tension, palpable aux premiers jours du trajet, s'était peu à peu dissipée, et la bonne ambiance qui régnait habituellement dans le vaisseau était de retour. Le drame survint au bout du neuvième jour, un matin, juste après un énième saut, alors qu'ils arrivaient à proximité de la planète Campathe, peuplée de paysans qui collectaient un minerai rare, propre à cette énorme masse rocheuse, grise et triste. Une planète de peu d'intérêt en somme, mais qui ne présentait pas de danger pour le convoi… Enfin, c'est ce que croyait le capitaine Kervénoë, dont les précautions qu'il avait prises étaient extrêmes, mais l'homme qu'il était n'aurait pu prévoir ce qui allait suivre – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce triste événement arriva.
La journée qui débutait alors semblait être une journée comme les autres. L'horloge interne, dont l'écoulement du temps était calqué sur celui de la planète Terre, pour des raisons biologiques évidentes, affichait neuf heures
– ce qui enclencha le réveil. Il était l'heure de la relève pour Jéon Staran, le second, qui avait passé la nuit aux commandes du vaisseau et qui attendait impatiemment l'heure de retrouver sa couchette. Dans un même temps, les neuf autres membres de l'équipage se levèrent et se rendirent pour moitié dans la salle de bain, et pour moitié dans la cuisine. Ce roulement fit que personne ne remarqua la disparition de l'un des astronautes : Hern Beltos. En effet, chacun le pensait dans l'autre groupe, tant et si bien que son absence ne fut remarquée que lors de la pause du déjeuner, où une chaise était visiblement vide, mais à vrai dire, ils n'eurent pas à chercher leur camarade bien longtemps, puisqu'au moment où, d'un commun accord muet, les huit hommes présents s'apprêtaient à se lever pour partir à sa recherche, Beltos se dressait sur le pas de l'unique porte de la cuisine, dans laquelle tous étaient réunis. Le pistolet désintégrateur qu'il avait au poing le rendait franchement effrayant, et cet effet se trouvait renforcé par la lampe qui lui éclairait le visage, faisant luire ses cheveux plaqués en arrière, ainsi que ses lunettes, rendant son regard indéchiffrable.
« - Désolé les gars, commença-t-il, mais le fric sera pour moi. Je viens de charger la navette de secours des pierres, et je vais me barrer avec !
- Arrête !, lui cria le capitaine Nervénoë, ça ne sert à rien ! Jamais tu ne pourras les revendre !
- Ça va, je suis pas débile non plus, je le sais parfaitement. Je n'ai de toute manière pas l'intention de les revendre, mais de les porter sur Aquavipe seul.
- Ça ne marchera pas non plus, qu'est-ce que tu crois ? Même si tu nous tues, ils le verront avant que tu n'aies l'argent ! Il y aura une enquête !
- Ça aussi, j'y ai pensé. La seule solution, c'est que le vaisseau s'écrase. »
Une sueur froide coula le long du dos du capitaine, et les huit autres furent pris d'une soudaine et justifiée panique. Effectivement, Hern savait enclencher le pilote automatique et pouvait dans le même temps lancer la navette sur Campathe tel un missile, la désintégrant ainsi totalement, et comme tout pilote le sais, il suffit d'une minime erreur dans le calcul des trajectoires à travers l'hyperespace pour qu'un vaisseau, en revenant dans notre univers, se retrouve si près d'une planète, qu'attiré par sa force gravitationnelle, celui-ci s'écraserait sur sa surface, ce qui signifie, pour résumer , qu'Hern Beltos était tout à fait capable de faire passer la mort de tout l'équipage pour un accident, et de fait d'empocher seul la récompense mirobolante. De plus, il lui suffirait de dire que le crash avait eu lieu durant une période nocturne du vaisseau et qu'il était alors le seul éveillé, et donc le seul à même de rejoindre la navette de sauvetage, pour justifier sa survie, et en plus de ça pour un héros (qui n'aurait alors rien accompli d'héroïque, mais se serait contenté de fuir, et donc de survivre… chose qui forgea nombre de héros durant les millénaires passés).
Hern Beltos
Kéo Nervénoë tentait de ne pas perdre son sang-froid et se rattachait secrètement à un espoir ténu en espérant que son bras droit dans cette équipe, Jéon Staran, qui était en train de dormir, se réveille et vienne leur porter secours, mais c'était sans compter sur la prévoyance de Beltos, qui avait « aidé » le sommeil de Staran à l'aide de chloroforme, et avait de plus cadenassé la porte du dortoir, rendant obsolètes les rêves du capitaine. Hern somma les occupants de la cuisine de se regrouper dans le fond de la pièce, puis ferma la porte à clef, et glissa un lourd meuble devant elle, afin de la bloquer au maximum – c'est du moins ce que l'on semblait entendre depuis la cuisine – puis des bruits de pas pressés résonnèrent à travers les couloirs vides et métalliques du vaisseau, puis ce fut le bruit d'une porte qui s'ouvre – une porte proche de la cuisine, probablement la salle des commandes où Beltos programmait la fin du « Sans coup férir », puis ce furent de nouveaux bruits de pas, puis encore une porte – plus lointaine cette fois – encore des pas – les minutes semblaient être des heures – puis ce fut le grondement des moteurs du vaisseau mère qui vrombissaient, puis, par derrière, ceux de la navette de secours… Tout le monde dans la cuisine s'agitait, cognant les murs et la porte en vain, certains criaient, d'autres pleuraient… L'angoisse était à son comble.
Soudain, le moteur du vaisseau de secours cala, et quasi-instantanément, ce fut au tour de celui du « Sans coup férir ». L'équipage s'était tut, et un silence de mort régnait dans le vaisseau. Que s'était-il passé ? Le vaisseau de Beltos tenta de démarrer une nouvelle fois, et là encore, le moteur cala lamentablement, puis plus rien… Au cours des heures qui suivirent, le même son (moteur qui tente de démarrer, puis qui cale) se fit entendre quelques fois, à intervalle de plus en plus espacé jusqu'à cesser complètement.
Quoi qu'il en soit, Hern Beltos était audiblement encore à bord du vaisseau, qui ne s'était pas écrasé. Il se passait ici des choses qui échappaient totalement aux « habitants » de la cuisine. Finalement, ils s'endormirent à même le sol, ne sachant que faire.
Ce n'est qu'au petit matin que les hommes se réveillèrent, tirés de leur sommeil par un vacarme assourdissant, puis par une violente secousse, comme si quelque chose cognait brusquement l'appareil. Repensant à ce qui aurait dû les attendre la veille, ils crurent d'abord s'être écrasés sur Campathe, puis se rendirent comptent qu'ils n'étaient pas morts, et écartèrent donc cette première hypothèse. Suivit alors un bruit de pas causés apparemment par une dizaine d'hommes qui galopaient dans les couloirs, puis ils entendirent qu'on déplaçait le meuble qui bloquait la porte de la cuisine, enfin, on manipula le verrou, et ce fut la porte qui s'ouvrit. Kéo Nervénoë s'exclama un « Oh ! » de surprise.
Les hommes qu'ils avaient devant les yeux portaient des uniformes frappés des armes de Campathe : d'azur au piolet de sable, assez caractéristique de la planète, et connues même du novice en héraldique qu'était le capitaine de l'étrangement encore intact « Sans coup férir ». C'est alors que les huit hommes aperçurent, stupéfaits, derrière les forces campathiennes, Jéon Staran, l'air content, et Hern Beltos, menotté, l'air beaucoup moins content.
Un homme s'avança respectueusement vers le capitaine Nervénoë, et le salua avant de se présenter, révélant ainsi qu'il se nommait Ergan Sétó, commandant des forces d'intervention armée de Campathe, et expliqua la situation assez irréelle, mais finalement d'une simplicité effarante. Il se trouve que les minerais qui font vivre les habitants de cette massive planète sont des aimants, chose peu connue de la plupart des gens, mais qui a une importance considérable puisqu'elle confère à l'astre un champ magnétique absolument phénoménal, interdisant de fait tous les appareils électriques connus de fonctionner, et seuls les vaisseaux campathiens, conçus spécialement, sont capables de se déplacer dans l'espace périastral.
Finalement, la proximité du « Sans coup férir », et donc de sa navette de sauvetage, de la planète géante, a causé une panne totale des moteurs.
Remarquant le cargo, errant dans la banlieue spatiale de la titanesque mine d'aimants, le gouvernement a décidé d'envoyer une équipe de secours, armée en cas d'hostilité, afin de tracter le vaisseau jusqu'au sol. En arrivant dans le vaisseau, ils ouïrent les haros de Staran et le délivrèrent. Ensemble, ils comprirent rapidement la situation et s'emparèrent du traître, qui avoua aussitôt.
La situation s'était finalement bien arrangée, et le vaisseau fut reconduit au sol de la planète qui, finalement, leur avait sauvé la vie. Le capitaine, prévoyant comme à son habitude, se dit que la situation qu'ils avaient vécu (la panne, pas la trahison) pouvait se reproduire après n'importe quel saut, et si ils avaient le malheur d'arriver à proximité d'une planète comme celle-ci, mais inhabitée, ce serait une catastrophe effroyable. Étant donné l'argent que l'équipe – constituée de neuf membres désormais – allait percevoir, Kéo Nervénoë prit la décision d'équiper son vaisseau d'un moteur campathéen annexe qui leur permettrait ainsi de se sortir d'une telle circonstance si elle devait un jour se reproduire.
Quelques jours plus tard, lorsque le nouveau moteur fut installé, le « Sans coup férir » put reprendre sa route vers Aquavipe, qu'il atteint malgré tout en temps et en heure, et l'accueil qu'ils reçurent sur cette planète fut également très agréable, car Belgum IV, cousin de Gédéon III, était quelqu'un d'aussi sympathique de le roi de Poséidon, bien que son physique fut assez opposé, Belgum étant extrêmement élancé, de longs cheveux roux lui descendant jusqu'aux épaules. Ce dernier, à leur arrivée sur sa planète, les conduisit dans le premier étage de la tour de Belgum, qui ne manquerait pas de devenir célèbre dans tout l'univers une fois sa construction achevée, car cette tour en chantier (seul les tout premiers étages, meublés à l'arrachée, étaient habitables) promettait une hauteur vertigineuse de quinze kilomètres de haut, en faisait ainsi la plus haute construction humaine de tous les temps, dépassant largement les huit kilomètres de la célébrissime statue du roi Felip Premier, père du l'empire galactique.
La précieuse cargaison fut débarquée dans la tour de Belgum, et ce dernier, afin de féliciter les vaillants transporteurs de l'espace, leur offrit leur récompense bien méritée, et le montant qu'ils reçurent valait sans aucun doute les risques qu'ils avaient courus, et décidèrent de fêter l'événement en s'offrant de nouvelles vacances sur Elagia en les savourant d'autant plus pleinement que l'argent ne serait plus jamais un souci.
La tour de Belgum sur la planète Aquavipe
Bien qu'il comprit instantanément qu'il s'agissait d'un travail qu'on lui proposerait, le capitaine Nervénoë ne put décliner la conversation et était d'ores et déjà résolu à quitter ce paradis et mettre un terme anticipé à ses vacances. Cependant, connaissant de réputation le richissime souverain, il se dit en son for intérieur que la récompense qu'il y aurait à la clef serait plus qu'intéressante, aussi la reprise du travail lui paraissait moins pénible, et il savait que l'équipage comprendrait parfaitement cet état des choses. Le secrétaire mit en relation le roi avec Kéo, après que ce dernier ait donné son approbation, et la voie du monarque – qu'il entendait pour la première fois – lui parut empreinte d'une jovialité inattendue, voire incongrue, tant il s'attendait à y trouver une certaine austérité caractéristique de l'a priori que l'on se fait généralement des hommes de pouvoir. C'était pourtant bien sur un ton agréablement guilleret que le roi Gédéon III salua son interlocuteur d'une manière certainement peu conforme au protocole. Le roi rentra rapidement dans le vif du sujet, et confia au commandant du « Sans coup férir » l'objet de la mission dont il aurait aimé le voir se charger. Il s'agissait d'une livraison comme il était habitué à en faire, et le souverain confia qu'il avait eu des échos extrêmement positifs des précédentes missions accomplies avec brio par le jeune homme, raison pour laquelle il avait « décidé » de faire appel à lui et ses hommes pour ce convoi hors du commun. Hors du commun, car la livraison que Kéo Nervénoë aurait à faire – s'il l'acceptait – serait de transporter une cargaison spéciale sur la planète géante Aquavipe, réputée, elle aussi, pour sa richesse, la différence résidant dans le fait que cette dernière était extrêmement jeune, car colonisée il y a moins de vingt ans, achetée par le marquis Belgum IV, cousin de Gédéon III.
Belgum avait décidé de transformer sa planète en gigantesque paradis pour milliardaires, avec ce que l'humanité pouvait produire de plus luxueux en palaces, et autres prestigieux complexes. Cependant, comme l'on peut aisément l'imaginer, ce rêve nécessite des fonds en quantité démentielle, et la fortune du marquis – bien que considérable – ne suffirait pas, aussi son cousin, émerveillé par la grandeur de ce projet, avait-t-il décidé de venir financièrement en aide à la menée à bien de ce projet, et c'est justement là qu'intervient l'équipage du « Sans coup férir », puisque la mission consiste justement à transporter de l'argent sous forme de métaux ultra-précieux sur la planète Aquavipe.
Le roi Gédéon s'était visiblement adressé à la bonne personne, d'autant plus que – comme Kéo l'avait imaginé – le salaire était plus qu'alléchant, aussi non seulement Kéo, mais également tout son équipage après qu'il leur en eu parlé, acceptèrent avec enthousiasme cette livraison spéciale, car bien qu'icelle interrompe inopinément leurs vacances, les sommes perçues leur permettraient à coup sûr de les reprendre une fois le périple terminé, et les vacances sont toujours plus agréable avec un petit pécule supplémentaire, une « somme additionnelle », si l'auteur peut se permettre un trait d'esprit.
Kéo Nervénoë avait rassemblé ses hommes sur le tarmac afin de leur exposer la manière dont ils allaient procéder. L'objectif de la première étape était simple puisqu'il s'agissait d'aller récupérer la cargaison sur Poséidon, la planète capitale du système des sirins, sur laquelle était établi le palais du roi Gédéon. C'est par la suite que la mission se compliquerai, car il s'agira cette fois de se rendre sur Aquavipe en évitant d'une part les routes fréquentées, et d'autre part en prenant soin de ne divulguer à quiconque l'itinéraire qu'ils emprunteraient, et c'est d'ailleurs dans cette optique que Kéo Nervénoë n'annoncerai à son équipage le parcours choisi qu'au moment de quitter Poséidon.
Les hommes montèrent à bord du vaisseau, qui, quelques minutes plus tard, s'ionisait dans la haute atmosphère d'Elagia, en vue de leur passage dans l'univers jumeau, puis l'éclair bleuté caractéristique du déchirement de l'espace-temps éclaira brièvement le ciel déjà assombri du crépuscule élagien.
Dans l'hyperespace, le « Sans coup férir » fusait à une vitesse supraluminique en direction du système des sirins, qu'il finit par atteindre en une petite dizaine d'heures de voyage qui se déroula sans encombre. Le vaisseau reçu l'autorisation d'atterrir dès son approche de la planète de destination.
Leur accueil sur la planète fut au-delà des espérances qu'ils auraient eu pu avoir, et même telle que quiconque eu pu avoir, car du pied de leur vaisseau partait un sublime tapi de soie cramoisi, longé de soldats aux costumes impeccables et à la posture exemplaire. À l'autre bout de ce tapis se trouvait le roi Gédéon III en personne, tout sourire, la main tendue en direction du capitaine Nervénoë qui venait de s'engager hors de la navette, descendant les marches de la passerelle amovible. Le monarque était l'archétype du bonhomme rondouillard et sympathique qu'une imposante moustache déjà blanchie ne parvenait pas à rendre sérieux. Seule sa tenue remarquable laissait paraitre un tant soit peu l'extraordinaire pouvoir de cet homme, derrière lequel se dressait sa demeure : le Palais Marin, célèbre dans tout l'univers pour sa somptuosité indescriptible. L'architecture formidable du bâtiment à elle seule forcerait le respect, mais le plus incroyable réside dans le fait que l'intégralité des murs du palais est en réalité un gigantesque et unique aquarium dans lequel vivent des millions d'espèces marines, venues de centaines de planètes différentes, offrant un florilège de ce que la nature fait de plus beau, mais le clou du spectacle se trouve en plein cœur de la demeure, au centre du hall d'entrée où se situe un aquarium isolé à la taille incommensurable autour duquel circule un petit train, filant à vingt kilomètres par heure, et en faisant le tour en quarante minutes. Et c'est dans cet aquarium que se trouvent les deux seules mégabaleines en captivité. Ces animaux, dont l'apparence rappelle celle des baleines dont elles tirent leurs noms, ne mesurent pas moins de deux cent mètre de long, en faisant ainsi les animaux les plus massifs jamais observés. Le spectacle qu'offrent ces étranges créatures est d'une beauté féérique, et peu d'hommes peuvent se vanter d'en avoir vu. Cet environnement si particulier tirait même des larmes des yeux de certains membres de l'équipage, émus par ce qu'ils avaient devant eux, et cette troupe d'une dizaine d'individus offrait une scène amusante au regard du roi, car chacun tournait la tête dans tous les sens afin de se délecter visuellement de ce panorama unique au monde.
Une fois que l'équipage fut apte à reprendre une activité normale, le roi les conduisit dans la une petite pièce, apparemment accessible uniquement en passant par une petite porte dérobée, fondue dans le turquoise de l'aquarium. La pièce, nue, ne contenait que la cargaison que les hommes allaient devoir conduire sur Aquavipe, enfermée dans une solide et imposante malle, qui, lorsque le roi l'ouvrit, laissa les spationautes pantois, tant les richesses accumulées en un si petit endroit étaient importantes, et l'amoncellement de métaux précieux, comme le rhodium ou le platine était absolument incroyable. Il y avait là de quoi acheter un système planétaire entier ! Kéo Nervénoë comprenait mieux à quel point la mission qu'il s'était vu confiée était risquée et se dit que, finalement, le salaire – exorbitant s'il en est – était justifié.
C'est dans cette pièce, une fois amputée de la présence du roi, que le capitaine tint sa réunion à propos de la seconde partie de leur quête, à savoir la livraison de la marchandise, et détailla méticuleusement l'itinéraire qu'il avait choisi et s'assura que chacun eut compris ce qu'il aurait à faire, car il est vrai qu'une route telle qu'ils allaient l'emprunter était assez inhabituelle non seulement de par sa direction de départ – contraire à la direction dans laquelle se trouve Aquavipe – mais également par les zigzags qu'ils allaient effectuer, afin de troubler au maximum les éventuels pirates qui pourraient se dresser devant eux au cours de ce périple. D'après ses calculs, le trajet ne durerait pas moins de deux semaines, quand on sait qu'il suffit en temps normal de trois jours pour atteindre l'astre en question, cependant, il n'y avait pas matière à mettre en doute les choix du capitaine, qui savait visiblement ce qu'il faisait.
Ainsi, conformément aux ordres de Kéo Nervénoë, la cargaison fut chargée le lendemain matin à l'aube. Tandis que cinq hommes s'affairaient à transporter la lourde caisse, les quatre autres cernaient le chemin menant au vaisseau, conséquemment armés. Une fois la caisse à bord, Kéo et son second, Jéon Staran, saluèrent le roi avec tout le respect qu'exige la coutume, puis refermèrent la lourde porte de l'astronef, qui prit son envol quelques minutes plus tard pour partir comme convenu dans la direction inverse à la planète Aquavipe avant de disparaître dans l'univers jumeau pour un premier saut dans l'hyperespace.
Le début du voyage – la première semaine – se déroula parfaitement bien, et la tension, palpable aux premiers jours du trajet, s'était peu à peu dissipée, et la bonne ambiance qui régnait habituellement dans le vaisseau était de retour. Le drame survint au bout du neuvième jour, un matin, juste après un énième saut, alors qu'ils arrivaient à proximité de la planète Campathe, peuplée de paysans qui collectaient un minerai rare, propre à cette énorme masse rocheuse, grise et triste. Une planète de peu d'intérêt en somme, mais qui ne présentait pas de danger pour le convoi… Enfin, c'est ce que croyait le capitaine Kervénoë, dont les précautions qu'il avait prises étaient extrêmes, mais l'homme qu'il était n'aurait pu prévoir ce qui allait suivre – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce triste événement arriva.
La journée qui débutait alors semblait être une journée comme les autres. L'horloge interne, dont l'écoulement du temps était calqué sur celui de la planète Terre, pour des raisons biologiques évidentes, affichait neuf heures
– ce qui enclencha le réveil. Il était l'heure de la relève pour Jéon Staran, le second, qui avait passé la nuit aux commandes du vaisseau et qui attendait impatiemment l'heure de retrouver sa couchette. Dans un même temps, les neuf autres membres de l'équipage se levèrent et se rendirent pour moitié dans la salle de bain, et pour moitié dans la cuisine. Ce roulement fit que personne ne remarqua la disparition de l'un des astronautes : Hern Beltos. En effet, chacun le pensait dans l'autre groupe, tant et si bien que son absence ne fut remarquée que lors de la pause du déjeuner, où une chaise était visiblement vide, mais à vrai dire, ils n'eurent pas à chercher leur camarade bien longtemps, puisqu'au moment où, d'un commun accord muet, les huit hommes présents s'apprêtaient à se lever pour partir à sa recherche, Beltos se dressait sur le pas de l'unique porte de la cuisine, dans laquelle tous étaient réunis. Le pistolet désintégrateur qu'il avait au poing le rendait franchement effrayant, et cet effet se trouvait renforcé par la lampe qui lui éclairait le visage, faisant luire ses cheveux plaqués en arrière, ainsi que ses lunettes, rendant son regard indéchiffrable.
« - Désolé les gars, commença-t-il, mais le fric sera pour moi. Je viens de charger la navette de secours des pierres, et je vais me barrer avec !
- Arrête !, lui cria le capitaine Nervénoë, ça ne sert à rien ! Jamais tu ne pourras les revendre !
- Ça va, je suis pas débile non plus, je le sais parfaitement. Je n'ai de toute manière pas l'intention de les revendre, mais de les porter sur Aquavipe seul.
- Ça ne marchera pas non plus, qu'est-ce que tu crois ? Même si tu nous tues, ils le verront avant que tu n'aies l'argent ! Il y aura une enquête !
- Ça aussi, j'y ai pensé. La seule solution, c'est que le vaisseau s'écrase. »
Une sueur froide coula le long du dos du capitaine, et les huit autres furent pris d'une soudaine et justifiée panique. Effectivement, Hern savait enclencher le pilote automatique et pouvait dans le même temps lancer la navette sur Campathe tel un missile, la désintégrant ainsi totalement, et comme tout pilote le sais, il suffit d'une minime erreur dans le calcul des trajectoires à travers l'hyperespace pour qu'un vaisseau, en revenant dans notre univers, se retrouve si près d'une planète, qu'attiré par sa force gravitationnelle, celui-ci s'écraserait sur sa surface, ce qui signifie, pour résumer , qu'Hern Beltos était tout à fait capable de faire passer la mort de tout l'équipage pour un accident, et de fait d'empocher seul la récompense mirobolante. De plus, il lui suffirait de dire que le crash avait eu lieu durant une période nocturne du vaisseau et qu'il était alors le seul éveillé, et donc le seul à même de rejoindre la navette de sauvetage, pour justifier sa survie, et en plus de ça pour un héros (qui n'aurait alors rien accompli d'héroïque, mais se serait contenté de fuir, et donc de survivre… chose qui forgea nombre de héros durant les millénaires passés).
Hern Beltos
Kéo Nervénoë tentait de ne pas perdre son sang-froid et se rattachait secrètement à un espoir ténu en espérant que son bras droit dans cette équipe, Jéon Staran, qui était en train de dormir, se réveille et vienne leur porter secours, mais c'était sans compter sur la prévoyance de Beltos, qui avait « aidé » le sommeil de Staran à l'aide de chloroforme, et avait de plus cadenassé la porte du dortoir, rendant obsolètes les rêves du capitaine. Hern somma les occupants de la cuisine de se regrouper dans le fond de la pièce, puis ferma la porte à clef, et glissa un lourd meuble devant elle, afin de la bloquer au maximum – c'est du moins ce que l'on semblait entendre depuis la cuisine – puis des bruits de pas pressés résonnèrent à travers les couloirs vides et métalliques du vaisseau, puis ce fut le bruit d'une porte qui s'ouvre – une porte proche de la cuisine, probablement la salle des commandes où Beltos programmait la fin du « Sans coup férir », puis ce furent de nouveaux bruits de pas, puis encore une porte – plus lointaine cette fois – encore des pas – les minutes semblaient être des heures – puis ce fut le grondement des moteurs du vaisseau mère qui vrombissaient, puis, par derrière, ceux de la navette de secours… Tout le monde dans la cuisine s'agitait, cognant les murs et la porte en vain, certains criaient, d'autres pleuraient… L'angoisse était à son comble.
Soudain, le moteur du vaisseau de secours cala, et quasi-instantanément, ce fut au tour de celui du « Sans coup férir ». L'équipage s'était tut, et un silence de mort régnait dans le vaisseau. Que s'était-il passé ? Le vaisseau de Beltos tenta de démarrer une nouvelle fois, et là encore, le moteur cala lamentablement, puis plus rien… Au cours des heures qui suivirent, le même son (moteur qui tente de démarrer, puis qui cale) se fit entendre quelques fois, à intervalle de plus en plus espacé jusqu'à cesser complètement.
Quoi qu'il en soit, Hern Beltos était audiblement encore à bord du vaisseau, qui ne s'était pas écrasé. Il se passait ici des choses qui échappaient totalement aux « habitants » de la cuisine. Finalement, ils s'endormirent à même le sol, ne sachant que faire.
Ce n'est qu'au petit matin que les hommes se réveillèrent, tirés de leur sommeil par un vacarme assourdissant, puis par une violente secousse, comme si quelque chose cognait brusquement l'appareil. Repensant à ce qui aurait dû les attendre la veille, ils crurent d'abord s'être écrasés sur Campathe, puis se rendirent comptent qu'ils n'étaient pas morts, et écartèrent donc cette première hypothèse. Suivit alors un bruit de pas causés apparemment par une dizaine d'hommes qui galopaient dans les couloirs, puis ils entendirent qu'on déplaçait le meuble qui bloquait la porte de la cuisine, enfin, on manipula le verrou, et ce fut la porte qui s'ouvrit. Kéo Nervénoë s'exclama un « Oh ! » de surprise.
Les hommes qu'ils avaient devant les yeux portaient des uniformes frappés des armes de Campathe : d'azur au piolet de sable, assez caractéristique de la planète, et connues même du novice en héraldique qu'était le capitaine de l'étrangement encore intact « Sans coup férir ». C'est alors que les huit hommes aperçurent, stupéfaits, derrière les forces campathiennes, Jéon Staran, l'air content, et Hern Beltos, menotté, l'air beaucoup moins content.
Un homme s'avança respectueusement vers le capitaine Nervénoë, et le salua avant de se présenter, révélant ainsi qu'il se nommait Ergan Sétó, commandant des forces d'intervention armée de Campathe, et expliqua la situation assez irréelle, mais finalement d'une simplicité effarante. Il se trouve que les minerais qui font vivre les habitants de cette massive planète sont des aimants, chose peu connue de la plupart des gens, mais qui a une importance considérable puisqu'elle confère à l'astre un champ magnétique absolument phénoménal, interdisant de fait tous les appareils électriques connus de fonctionner, et seuls les vaisseaux campathiens, conçus spécialement, sont capables de se déplacer dans l'espace périastral.
Finalement, la proximité du « Sans coup férir », et donc de sa navette de sauvetage, de la planète géante, a causé une panne totale des moteurs.
Remarquant le cargo, errant dans la banlieue spatiale de la titanesque mine d'aimants, le gouvernement a décidé d'envoyer une équipe de secours, armée en cas d'hostilité, afin de tracter le vaisseau jusqu'au sol. En arrivant dans le vaisseau, ils ouïrent les haros de Staran et le délivrèrent. Ensemble, ils comprirent rapidement la situation et s'emparèrent du traître, qui avoua aussitôt.
La situation s'était finalement bien arrangée, et le vaisseau fut reconduit au sol de la planète qui, finalement, leur avait sauvé la vie. Le capitaine, prévoyant comme à son habitude, se dit que la situation qu'ils avaient vécu (la panne, pas la trahison) pouvait se reproduire après n'importe quel saut, et si ils avaient le malheur d'arriver à proximité d'une planète comme celle-ci, mais inhabitée, ce serait une catastrophe effroyable. Étant donné l'argent que l'équipe – constituée de neuf membres désormais – allait percevoir, Kéo Nervénoë prit la décision d'équiper son vaisseau d'un moteur campathéen annexe qui leur permettrait ainsi de se sortir d'une telle circonstance si elle devait un jour se reproduire.
Quelques jours plus tard, lorsque le nouveau moteur fut installé, le « Sans coup férir » put reprendre sa route vers Aquavipe, qu'il atteint malgré tout en temps et en heure, et l'accueil qu'ils reçurent sur cette planète fut également très agréable, car Belgum IV, cousin de Gédéon III, était quelqu'un d'aussi sympathique de le roi de Poséidon, bien que son physique fut assez opposé, Belgum étant extrêmement élancé, de longs cheveux roux lui descendant jusqu'aux épaules. Ce dernier, à leur arrivée sur sa planète, les conduisit dans le premier étage de la tour de Belgum, qui ne manquerait pas de devenir célèbre dans tout l'univers une fois sa construction achevée, car cette tour en chantier (seul les tout premiers étages, meublés à l'arrachée, étaient habitables) promettait une hauteur vertigineuse de quinze kilomètres de haut, en faisait ainsi la plus haute construction humaine de tous les temps, dépassant largement les huit kilomètres de la célébrissime statue du roi Felip Premier, père du l'empire galactique.
La précieuse cargaison fut débarquée dans la tour de Belgum, et ce dernier, afin de féliciter les vaillants transporteurs de l'espace, leur offrit leur récompense bien méritée, et le montant qu'ils reçurent valait sans aucun doute les risques qu'ils avaient courus, et décidèrent de fêter l'événement en s'offrant de nouvelles vacances sur Elagia en les savourant d'autant plus pleinement que l'argent ne serait plus jamais un souci.
La tour de Belgum sur la planète Aquavipe
Le 26 juillet 2007