Vincent doit mourir
Vincent doit mourir, réalisé par Stéphan Castang, nous propulse dans une société au bord de l'implosion où la violence devient omniprésente, imprévisible, et terrifiante. Le film, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes 2023, n'est pas juste une simple fable paranoïaque. C'est un mélange singulier de burlesque, de survie et de critique sociale, servi par un casting tout aussi surprenant qu'efficace. Mais sous cette couche d’absurde se cache une réflexion plus sombre sur la société contemporaine et la nature humaine. Le point de départ prometteur nous accroche immédiatement, et on s'attend à une expérience intense, voire cathartique. Pourtant, malgré ses nombreuses qualités, Vincent doit mourir s'égare parfois dans ses propres intentions, laissant le spectateur à mi-chemin entre fascination et frustration.
Le film commence avec Vincent, interprété par un magistral Karim Leklou, graphiste discret, citadin sans histoires, qui voit sa vie basculer du jour au lendemain. D'abord victime d'une agression inexplicable par un collègue au bureau, il se retrouve bientôt la cible d'une violence inouïe de la part de toute personne croisant son chemin. Des adultes, des enfants, ses voisins, même des inconnus : tous semblent soudainement animés par une fureur meurtrière à son encontre, sans qu’on sache vraiment pourquoi. Ce point de départ, aussi terrifiant qu'absurde, donne le ton du film, où chaque interaction devient une menace potentielle. On sent une inspiration palpable de l'univers paranoïaque d'Invasion Los Angeles de John Carpenter, où la menace omniprésente ne cesse de croître.
Ce qui fait la force de Vincent doit mourir dans sa première partie, c'est cette tension omniprésente, ce suspense quasi insoutenable qui transforme le quotidien en champ de bataille. La violence surgit sans prévenir, dans des scènes brutes et maladroites, rendant l'ensemble encore plus réaliste. Pas de chorégraphies millimétrées ici, on est dans le chaos pur. La fuite de Vincent vers la campagne, censée apporter un peu de répit, ne fait qu'accentuer l'idée que personne n'est à l'abri. À chaque instant, on se demande qui sera le prochain à tenter de le tuer, et cela fonctionne à merveille dans la montée en tension.
Cependant, le film peine à maintenir ce rythme haletant. Une fois l'intrigue lancée, on s'attend à une escalade apocalyptique, à un crescendo de violence et d'incompréhension. Mais le scénario, qui semblait promettre tant de choses, finit par s'essouffler. La deuxième partie du film, malgré l'introduction du personnage de Margaux, interprétée avec une fougue certaine par Vimala Pons, manque de profondeur. La relation entre Vincent et Margaux, bien que touchante et pleine de potentiel, reste en surface. On aurait aimé voir cette relation explorée de manière plus subtile, notamment dans le jeu des violences réciproques. Le film effleure le thème de la dépendance à l'autre, de la nécessité de s'attacher malgré les dangers, mais sans jamais vraiment s'y plonger.
Sur le plan thématique, Castang semble vouloir interroger notre société actuelle, où la violence devient de plus en plus le seul langage. Le film pose une question essentielle : dans un monde où tout peut basculer d'un moment à l'autre, que reste-t-il de notre humanité ? Le fait que cette violence n'ait ni cause ni explication renforce le sentiment d'impuissance, de fatalité. C'est là que réside toute la subtilité du propos : ce n'est pas tant la violence elle-même qui est incompréhensible, mais notre capacité à vivre ensemble sans que tout explose. En ce sens, Vincent doit mourir s'inscrit dans une lignée de films comme La nuit des morts-vivants, où le mal n'est jamais explicitement défini, mais où la survie devient l'unique moteur.
Malgré cette richesse thématique, la réalisation pêche par moments par un manque de dynamisme. La mise en scène, bien que soignée, manque parfois d’ampleur. Les plans rapprochés, l’utilisation de la caméra épaule, tout cela crée une atmosphère claustrophobe qui colle bien au récit, mais finit par l’étouffer. On attendait une explosion visuelle, un chaos généralisé qui ne vient jamais. La comparaison avec des œuvres plus physiques, comme The crazies, semble inévitable, mais ici, la violence n’atteint jamais ce niveau d’intensité purement viscérale. Cela crée une déception, surtout lorsque l’on pressent que le film aurait pu aller beaucoup plus loin.
Quant aux performances d’acteurs, Leklou est impeccable dans ce rôle de monsieur-tout-le-monde pris dans un cauchemar éveillé. Sa manière de jouer avec une sorte de stoïcisme désabusé, mêlé à une vulnérabilité palpable, rappelle par moments Keaton, et donne une humanité bienvenue à son personnage. Il subit les événements plus qu’il ne les comprend, et c’est exactement ce qui nous attache à lui. Pons, quant à elle, apporte cette touche de dynamisme et de fraîcheur qui manquait cruellement à la deuxième partie du film. Leur alchimie fonctionne, même si elle est parfois un peu sous-exploitée, notamment dans des scènes où la tension entre amour et violence aurait pu être plus développée. Ensemble, ils forment un duo atypique, touchant, mais qui n’atteint pas tout son potentiel.
En conclusion, Vincent doit mourir est une œuvre qui démarre fort, avec un concept accrocheur et une première moitié captivante. La réalisation, bien que parfois trop sage, nous plonge dans une ambiance oppressante, renforcée par des acteurs au sommet de leur art. Mais le film, malgré ses bonnes intentions, semble hésiter à aller jusqu’au bout de ses idées. On sort du film avec une légère frustration, comme si le potentiel d’un grand film était là, tapi sous la surface, mais n’avait jamais été pleinement réalisé. Ceci dit, pour un premier long métrage, Castang prouve qu'il a du talent et une voix singulière, qu'on espère voir s’affiner dans ses projets futurs.
Note : 7 / 10
Le film commence avec Vincent, interprété par un magistral Karim Leklou, graphiste discret, citadin sans histoires, qui voit sa vie basculer du jour au lendemain. D'abord victime d'une agression inexplicable par un collègue au bureau, il se retrouve bientôt la cible d'une violence inouïe de la part de toute personne croisant son chemin. Des adultes, des enfants, ses voisins, même des inconnus : tous semblent soudainement animés par une fureur meurtrière à son encontre, sans qu’on sache vraiment pourquoi. Ce point de départ, aussi terrifiant qu'absurde, donne le ton du film, où chaque interaction devient une menace potentielle. On sent une inspiration palpable de l'univers paranoïaque d'Invasion Los Angeles de John Carpenter, où la menace omniprésente ne cesse de croître.
Ce qui fait la force de Vincent doit mourir dans sa première partie, c'est cette tension omniprésente, ce suspense quasi insoutenable qui transforme le quotidien en champ de bataille. La violence surgit sans prévenir, dans des scènes brutes et maladroites, rendant l'ensemble encore plus réaliste. Pas de chorégraphies millimétrées ici, on est dans le chaos pur. La fuite de Vincent vers la campagne, censée apporter un peu de répit, ne fait qu'accentuer l'idée que personne n'est à l'abri. À chaque instant, on se demande qui sera le prochain à tenter de le tuer, et cela fonctionne à merveille dans la montée en tension.
Cependant, le film peine à maintenir ce rythme haletant. Une fois l'intrigue lancée, on s'attend à une escalade apocalyptique, à un crescendo de violence et d'incompréhension. Mais le scénario, qui semblait promettre tant de choses, finit par s'essouffler. La deuxième partie du film, malgré l'introduction du personnage de Margaux, interprétée avec une fougue certaine par Vimala Pons, manque de profondeur. La relation entre Vincent et Margaux, bien que touchante et pleine de potentiel, reste en surface. On aurait aimé voir cette relation explorée de manière plus subtile, notamment dans le jeu des violences réciproques. Le film effleure le thème de la dépendance à l'autre, de la nécessité de s'attacher malgré les dangers, mais sans jamais vraiment s'y plonger.
Sur le plan thématique, Castang semble vouloir interroger notre société actuelle, où la violence devient de plus en plus le seul langage. Le film pose une question essentielle : dans un monde où tout peut basculer d'un moment à l'autre, que reste-t-il de notre humanité ? Le fait que cette violence n'ait ni cause ni explication renforce le sentiment d'impuissance, de fatalité. C'est là que réside toute la subtilité du propos : ce n'est pas tant la violence elle-même qui est incompréhensible, mais notre capacité à vivre ensemble sans que tout explose. En ce sens, Vincent doit mourir s'inscrit dans une lignée de films comme La nuit des morts-vivants, où le mal n'est jamais explicitement défini, mais où la survie devient l'unique moteur.
Malgré cette richesse thématique, la réalisation pêche par moments par un manque de dynamisme. La mise en scène, bien que soignée, manque parfois d’ampleur. Les plans rapprochés, l’utilisation de la caméra épaule, tout cela crée une atmosphère claustrophobe qui colle bien au récit, mais finit par l’étouffer. On attendait une explosion visuelle, un chaos généralisé qui ne vient jamais. La comparaison avec des œuvres plus physiques, comme The crazies, semble inévitable, mais ici, la violence n’atteint jamais ce niveau d’intensité purement viscérale. Cela crée une déception, surtout lorsque l’on pressent que le film aurait pu aller beaucoup plus loin.
Quant aux performances d’acteurs, Leklou est impeccable dans ce rôle de monsieur-tout-le-monde pris dans un cauchemar éveillé. Sa manière de jouer avec une sorte de stoïcisme désabusé, mêlé à une vulnérabilité palpable, rappelle par moments Keaton, et donne une humanité bienvenue à son personnage. Il subit les événements plus qu’il ne les comprend, et c’est exactement ce qui nous attache à lui. Pons, quant à elle, apporte cette touche de dynamisme et de fraîcheur qui manquait cruellement à la deuxième partie du film. Leur alchimie fonctionne, même si elle est parfois un peu sous-exploitée, notamment dans des scènes où la tension entre amour et violence aurait pu être plus développée. Ensemble, ils forment un duo atypique, touchant, mais qui n’atteint pas tout son potentiel.
En conclusion, Vincent doit mourir est une œuvre qui démarre fort, avec un concept accrocheur et une première moitié captivante. La réalisation, bien que parfois trop sage, nous plonge dans une ambiance oppressante, renforcée par des acteurs au sommet de leur art. Mais le film, malgré ses bonnes intentions, semble hésiter à aller jusqu’au bout de ses idées. On sort du film avec une légère frustration, comme si le potentiel d’un grand film était là, tapi sous la surface, mais n’avait jamais été pleinement réalisé. Ceci dit, pour un premier long métrage, Castang prouve qu'il a du talent et une voix singulière, qu'on espère voir s’affiner dans ses projets futurs.
Note : 7 / 10
Vu le 24 septembre 2024