Dérapages est une mini-série française réalisée par Ziad Doueiri et diffusée en 2020 sur Arte. Adaptation du roman Cadres noirs de Pierre Lemaître, elle réunit au casting Éric Cantona dans le rôle principal, aux côtés de Suzanne Clément, Alex Lutz et Gustave Kervern.

J'avoue avoir eu quelques appréhensions avant de me lancer dans cette série, parce que le choix d'Éric Cantona au premier rôle me semblait pour le moins étonnant. L'ancien footballeur charismatique a en effet rarement convaincu dans ses prestations d'acteur jusque-là. Mais très vite, dès les premiers épisodes, mes doutes se sont envolés.

L'intrigue suit Alain Delambre, un quinquagénaire au chômage depuis des années, qui voit enfin l'espoir renaître lorsqu'il est convié pour un poste de DRH dans une grosse entreprise. Sauf que ce processus de recrutement n'est qu'un leurre orchestré par une multinationale sans scrupules. Poussé à bout, Alain va alors basculer dans un engrenage de violences pour se venger de ce système capitaliste qui l'a détruit.

Ce qui frappe d'entrée, c'est la plume mordante et le propos résolument engagé de Lemaître, qui signe ici les dialogues. La critique acerbe du libéralisme économique fait mouche, même si certaines situations relèvent parfois d'un cliché un peu trop convenu. Mais qu'importe, l'intrigue demeure prenante, portée par un rythme haletant et de multiples rebondissements pour maintenir le suspense. On regrette juste un petit essoufflement vers la fin, avec une conclusion qui manque de subtilité selon moi.

Le personnage d'Alain est passionnant, complexe et nuancé. On suit avec intérêt son évolution d'un homme désabusé à un individu prêt à tout pour recouvrer sa dignité. Et contre toute attente, Cantona s'en sort plutôt bien dans ce rôle exigeant. Certes, son jeu manque parfois de nuances, mais il campe ce personnage avec une présence physique indéniable.

À ses côtés, Suzanne Clément est impeccable en épouse dévouée et Alex Lutz se révèle bluffant en PDG cynique.

Si Dérapages aborde des thématiques fortes comme la précarité, le mal-être au travail ou la déshumanisation des rapports sociaux, la série ne tombe jamais dans un tract moralisateur. Elle garde toujours ce souffle rocambolesque et haletant d'un thriller déjanté, grâce notamment à une réalisation énergique de Ziad Doueiri qui colle parfaitement au propos.

En définitive, cette adaptation réussie du roman de Lemaître constitue un ovni réjouissant dans le paysage télévisuel français. Un petit bijou d'écriture corrosive servi par un casting impeccable, même si on peut lui reprocher certains accès de grandiloquence. Une série âpre mais terriblement gratifiante, à l'image du parcours de ce héros bagarreur qu'on ne peut s'empêcher d'admirer au final.

Note : 7 / 10