Le sixième enfant
Le sixième enfant, premier long-métrage de Léopold Legrand, s'attaque à un sujet délicat avec une audace qui force le respect. Adapté du roman Pleurer des rivières d'Alain Jaspard, le film nous plonge dans les méandres d'un « arrangement » improbable entre deux couples que tout oppose. Porté par un quatuor d'acteurs talentueux — Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla et Damien Bonnard — ce drame social avait de quoi attiser la curiosité des cinéphiles.
L'histoire nous présente Franck et Meriem, un couple de gitans déjà parents de cinq enfants, qui peinent à joindre les deux bouts. De l'autre côté du spectre social, Anna et Julien, avocats parisiens, sont confrontés à l'impossibilité d'avoir un enfant. Lorsque les chemins de ces deux couples se croisent, une proposition inimaginable surgit : et si les uns « donnaient » leur sixième enfant à naître aux autres ? Ce pacte faustien, à la limite de la légalité, va bouleverser leurs vies et les confronter à des dilemmes moraux insolubles.
Le scénario de Legrand et Catherine Paillé évite habilement les écueils du manichéisme. Les personnages sont dépeints avec nuance, chacun ayant ses raisons et ses failles. On apprécie particulièrement la complexité psychologique d'Anna, magnifiquement interprétée par Sara Giraudeau, dont le désir d'enfant frôle l'obsession. Le film ne juge pas, il expose, laissant au spectateur le soin de se forger sa propre opinion sur cette situation pour le moins épineuse.
Cependant, le rythme parfois haché du récit, ponctué d'ellipses, peut dérouter. Si cette structure narrative sert à maintenir une certaine tension, elle laisse parfois sur sa faim, notamment dans le développement des personnages secondaires qui auraient mérité plus d'attention.
Le film aborde de front des thématiques brûlantes : les inégalités sociales, le désir d'enfant, l'éthique de l'adoption, la maternité sous toutes ses formes. Legrand ne se contente pas de les effleurer, il les explore avec une sensibilité qui force l'admiration pour un premier long-métrage. Le contraste saisissant entre les deux univers — la précarité des uns et le confort bourgeois des autres — sert de toile de fond à une réflexion plus large sur ce qui fait une famille.
D'un point de vue technique, la réalisation de Legrand est sobre, mais efficace. Le choix du format 1.5:1, inhabituel, resserre le cadre sur les personnages, créant une intimité presque étouffante. La photographie de Julien Ramirez Hernan, aux tons chauds, apporte une touche de romanesque bienvenue, évitant l'écueil du misérabilisme. On regrettera peut-être un travail sonore parfois approximatif, qui dessert certaines scènes clefs.
Le casting est indéniablement l'un des points forts du film. Sara Giraudeau livre une performance poignante, incarnant avec justesse les tourments d'Anna. Benjamin Lavernhe, dans un rôle plus en retrait, apporte une belle contrepoint à l'intensité de sa partenaire. Judith Chemla et Damien Bonnard, de leur côté, insufflent une humanité touchante à leurs personnages, évitant les clichés sur la communauté des gens du voyage.
En conclusion, Le sixième enfant s'impose comme une œuvre courageuse et nécessaire. Si le film n'est pas exempt de défauts — certaines ficelles scénaristiques sont un peu grosses, et le rythme parfois inégal — il parvient néanmoins à nous secouer et à nous faire réfléchir. Léopold Legrand signe là un premier film prometteur, qui augure d'une carrière à suivre de près.
Pour ceux qui apprécieraient ce type de drame social aux questionnements éthiques, je recommanderais Pupille de Jeanne Herry ou encore Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, deux films qui explorent également les frontières complexes de la filiation et de l'adoption.
Note : 7 / 10
L'histoire nous présente Franck et Meriem, un couple de gitans déjà parents de cinq enfants, qui peinent à joindre les deux bouts. De l'autre côté du spectre social, Anna et Julien, avocats parisiens, sont confrontés à l'impossibilité d'avoir un enfant. Lorsque les chemins de ces deux couples se croisent, une proposition inimaginable surgit : et si les uns « donnaient » leur sixième enfant à naître aux autres ? Ce pacte faustien, à la limite de la légalité, va bouleverser leurs vies et les confronter à des dilemmes moraux insolubles.
Le scénario de Legrand et Catherine Paillé évite habilement les écueils du manichéisme. Les personnages sont dépeints avec nuance, chacun ayant ses raisons et ses failles. On apprécie particulièrement la complexité psychologique d'Anna, magnifiquement interprétée par Sara Giraudeau, dont le désir d'enfant frôle l'obsession. Le film ne juge pas, il expose, laissant au spectateur le soin de se forger sa propre opinion sur cette situation pour le moins épineuse.
Cependant, le rythme parfois haché du récit, ponctué d'ellipses, peut dérouter. Si cette structure narrative sert à maintenir une certaine tension, elle laisse parfois sur sa faim, notamment dans le développement des personnages secondaires qui auraient mérité plus d'attention.
Le film aborde de front des thématiques brûlantes : les inégalités sociales, le désir d'enfant, l'éthique de l'adoption, la maternité sous toutes ses formes. Legrand ne se contente pas de les effleurer, il les explore avec une sensibilité qui force l'admiration pour un premier long-métrage. Le contraste saisissant entre les deux univers — la précarité des uns et le confort bourgeois des autres — sert de toile de fond à une réflexion plus large sur ce qui fait une famille.
D'un point de vue technique, la réalisation de Legrand est sobre, mais efficace. Le choix du format 1.5:1, inhabituel, resserre le cadre sur les personnages, créant une intimité presque étouffante. La photographie de Julien Ramirez Hernan, aux tons chauds, apporte une touche de romanesque bienvenue, évitant l'écueil du misérabilisme. On regrettera peut-être un travail sonore parfois approximatif, qui dessert certaines scènes clefs.
Le casting est indéniablement l'un des points forts du film. Sara Giraudeau livre une performance poignante, incarnant avec justesse les tourments d'Anna. Benjamin Lavernhe, dans un rôle plus en retrait, apporte une belle contrepoint à l'intensité de sa partenaire. Judith Chemla et Damien Bonnard, de leur côté, insufflent une humanité touchante à leurs personnages, évitant les clichés sur la communauté des gens du voyage.
En conclusion, Le sixième enfant s'impose comme une œuvre courageuse et nécessaire. Si le film n'est pas exempt de défauts — certaines ficelles scénaristiques sont un peu grosses, et le rythme parfois inégal — il parvient néanmoins à nous secouer et à nous faire réfléchir. Léopold Legrand signe là un premier film prometteur, qui augure d'une carrière à suivre de près.
Pour ceux qui apprécieraient ce type de drame social aux questionnements éthiques, je recommanderais Pupille de Jeanne Herry ou encore Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, deux films qui explorent également les frontières complexes de la filiation et de l'adoption.
Note : 7 / 10
Vu le 16 septembre 2024