Annie colère
J'avoue avoir approché Annie colère avec une certaine réserve. Le sujet de l'avortement est toujours délicat à aborder, surtout au cinéma où le risque du film militant déshumanisé et moralisateur est grand. Heureusement, la réalisatrice Blandine Lenoir fait preuve d'un remarquable sens de la nuance et de l'équilibre.
Son film suit le parcours d'Annie, une ouvrière bien campée par la désormais incontournable Laure Calamy, qui suite à une grossesse non désirée se retrouve impliquée auprès du MLAC, un réseau pratiquant les avortements clandestins un an avant le vote de la loi Veil. À travers les yeux d'Annie, on plonge dans les dessous de ce mouvement, découvrant les conditions précaires et risquées dans lesquelles opéraient ces militantes.
Si le propos peut sembler éminemment politique, Blandine Lenoir a su insuffler une réelle dimension humaine à son récit. Elle s'attache aux trajectoires singulières de ces femmes, chacune avec ses fragilités et ses contradictions. Loin de tout manichéisme, le film dresse des portraits nuancés, explorant avec justesse les doutes et remises en question qui animaient ces militantes. Un traitement qui n'est pas sans évoquer les questionnements philosophiques et éthiques que soulève la question de l'avortement.
Les rapports hommes-femmes sont d'ailleurs abordés avec beaucoup de finesse, évitant la caricature facile d'un affrontement des sexes. Le film s'attarde au contraire sur les dialogues et tensions au sein même du mouvement féministe, opposant partisanes d'une ligne dure et d'une approche plus modérée. Une richesse qui témoigne de l'ambition de réaliser un portrait complet, sans fard ni parti pris.
Au centre de ce kaléidoscope, il y a Annie bien sûr, et son évolution fulgurante de simple bénéficiaire du MLAC à véritable leader du mouvement. Un superbe rôle pour Laure Calamy qui campe une femme à la fois attachante, combative, mais aussi parfois dévorée par son obsession jusqu'aux dérives sectaires. Un portrait riche en nuances, à l'image du film dans son ensemble.
Sur le plan visuel, Annie colère opte pour une mise en scène volontairement sobre, presque documentaire par moments, mais toujours profondément humaine. Les scènes d'avortements sont d'une intensité à couper le souffle, renforcée par la puissance des interprétations à l'écran. On ne peut que saluer le courage de Blandine Lenoir de ne pas esquiver la dimension parfois sordide de son sujet.
Car c'est bien là que réside la force du film : son absence de misérabilisme autant que de angélisme. En campant son récit dans le réel, dans la complexité des rapports humains, la réalisatrice dépeint un tableau d'une grande justesse qui rappelle à quel point l'avortement, au-delà du combat politique et sociétal, reste une épreuve intime et douloureuse pour chaque femme. Un cheminement physique et moral que les plus ardentes militantes ne pourront qu'accompagner, mais jamais totalement comprendre ou subir à la place de celles qui doivent prendre cette décision lourde de conséquences.
C'est ce regard singulier, teinté d'empathie et d'humanité, qui fait la réussite d'Annie colère. Un film fort, à l'image du combat qu'il dépeint, mais qui reste avant tout une oeuvre de cinéma plutôt qu'un tract militant. Une qualité trop rare pour ne pas être saluée.
Note : 7 / 10
Son film suit le parcours d'Annie, une ouvrière bien campée par la désormais incontournable Laure Calamy, qui suite à une grossesse non désirée se retrouve impliquée auprès du MLAC, un réseau pratiquant les avortements clandestins un an avant le vote de la loi Veil. À travers les yeux d'Annie, on plonge dans les dessous de ce mouvement, découvrant les conditions précaires et risquées dans lesquelles opéraient ces militantes.
Si le propos peut sembler éminemment politique, Blandine Lenoir a su insuffler une réelle dimension humaine à son récit. Elle s'attache aux trajectoires singulières de ces femmes, chacune avec ses fragilités et ses contradictions. Loin de tout manichéisme, le film dresse des portraits nuancés, explorant avec justesse les doutes et remises en question qui animaient ces militantes. Un traitement qui n'est pas sans évoquer les questionnements philosophiques et éthiques que soulève la question de l'avortement.
Les rapports hommes-femmes sont d'ailleurs abordés avec beaucoup de finesse, évitant la caricature facile d'un affrontement des sexes. Le film s'attarde au contraire sur les dialogues et tensions au sein même du mouvement féministe, opposant partisanes d'une ligne dure et d'une approche plus modérée. Une richesse qui témoigne de l'ambition de réaliser un portrait complet, sans fard ni parti pris.
Au centre de ce kaléidoscope, il y a Annie bien sûr, et son évolution fulgurante de simple bénéficiaire du MLAC à véritable leader du mouvement. Un superbe rôle pour Laure Calamy qui campe une femme à la fois attachante, combative, mais aussi parfois dévorée par son obsession jusqu'aux dérives sectaires. Un portrait riche en nuances, à l'image du film dans son ensemble.
Sur le plan visuel, Annie colère opte pour une mise en scène volontairement sobre, presque documentaire par moments, mais toujours profondément humaine. Les scènes d'avortements sont d'une intensité à couper le souffle, renforcée par la puissance des interprétations à l'écran. On ne peut que saluer le courage de Blandine Lenoir de ne pas esquiver la dimension parfois sordide de son sujet.
Car c'est bien là que réside la force du film : son absence de misérabilisme autant que de angélisme. En campant son récit dans le réel, dans la complexité des rapports humains, la réalisatrice dépeint un tableau d'une grande justesse qui rappelle à quel point l'avortement, au-delà du combat politique et sociétal, reste une épreuve intime et douloureuse pour chaque femme. Un cheminement physique et moral que les plus ardentes militantes ne pourront qu'accompagner, mais jamais totalement comprendre ou subir à la place de celles qui doivent prendre cette décision lourde de conséquences.
C'est ce regard singulier, teinté d'empathie et d'humanité, qui fait la réussite d'Annie colère. Un film fort, à l'image du combat qu'il dépeint, mais qui reste avant tout une oeuvre de cinéma plutôt qu'un tract militant. Une qualité trop rare pour ne pas être saluée.
Note : 7 / 10
Vu le 26 mars 2024