Borgo
Après la mitigée Fille au bracelet, Stéphane Demoustier revient avec Borgo, un film captivant qui s’inscrit dans la lignée de ses précédents travaux tout en explorant un univers rarement mis en lumière : celui des surveillants pénitentiaires. Le réalisateur choisit ici un angle original : celui des gardiens de prison, et plus particulièrement d’une surveillante, Melissa, interprétée avec intensité par Hafsia Herzi. Inspiré d’un fait divers réel en Corse, le film mélange polar et drame social avec une ambition maîtrisée.
L’intrigue suit Melissa, qui, fraîchement mutée de Fleury-Mérogis à Borgo, s’installe sur l’île avec son mari Djibril et ses deux enfants, issus d'une première union. Borgo, ce centre pénitentiaire atypique où les détenus jouissent d’un régime ouvert, se révèle être un lieu où les rapports de pouvoir s’inversent. Très vite, Melissa sympathise avec Saveriu, un détenu influent qui lui facilite son adaptation. Mais cette relation ambivalente marque le début d’un engrenage infernal où faveurs et pressions se mêlent, plongeant Melissa dans un conflit moral et personnel qui menace de tout emporter.
Le scénario de Demoustier excelle dans la manière dont il décrit l’enrôlement insidieux de Melissa dans un univers où les frontières entre bien et mal sont floues. Le rythme, bien que parfois inégal, maintient une tension constante, notamment grâce à une narration en deux temporalités. Si ce choix ajoute du relief, les séquences avec les policiers, bien qu’utiles pour tisser le récit, manquent parfois de consistance. De même, certains rebondissements, comme une révélation découverte « par hasard », frisent la facilité d’écriture. Heureusement, ces bémols sont compensés par une montée en puissance progressive et des scènes d’une grande intensité, comme un interrogatoire glaçant ou la chanson Mélissa, de Julien Clerc, interprétée par des détenus, qui offrent un souffle émotionnel rare.
Les personnages, eux, sont globalement bien écrits, à commencer par Melissa, qui incarne une complexité remarquable. Son évolution, de surveillante rigoureuse à une femme piégée par les circonstances, est un véritable tour de force scénaristique. En revanche, certains rôles secondaires, notamment ceux des autorités comme la directrice de la prison ou le commissaire, manquent de subtilité et tombent parfois dans la caricature. Cela contraste avec l’écriture nuancée de Saveriu, interprété avec ambiguïté et intensité par le prometteur Louis Memmi, dont le charisme juvénile renforce la tension.
Le film aborde des thématiques profondes : la corruption insidieuse, la pression sociale, et les dilemmes éthiques dans un environnement où les apparences sont trompeuses. Demoustier parvient à ancrer ces thèmes dans la réalité insulaire de la Corse, un microcosme qui renforce l’atmosphère oppressante du récit. En explorant les relations complexes entre gardiens et détenus, Borgo interroge également sur la fragilité des positions d’autorité, où un simple faux pas peut tout basculer.
Visuellement, la réalisation est à la fois sobre et immersive. La photographie de David Chambille capte habilement la dualité des paysages corses : la rudesse de ses montagnes et la lumière qui tranche avec l’austérité carcérale. Cette approche réaliste, sans fioritures, renforce l’authenticité du film. La bande originale, discrète mais efficace, s’efface au profit de moments marquants comme l’interprétation de la chanson par les détenus, qui symbolise à elle seule toute l’ambivalence de ce microcosme.
Enfin, les performances des acteurs méritent d’être soulignées. Hafsia Herzi, dans le rôle de Melissa, est remarquable. Sa capacité à incarner la fragilité et la résilience de son personnage, sans jamais sombrer dans le pathos, est la pierre angulaire du film. Elle est épaulée par un casting solide, notamment Moussa Mansaly, qui apporte une touche d’humanité dans son rôle de mari marginalisé, et Louis Memmi, dont la performance ambiguë installe une tension palpable à chaque apparition.
Borgo est une œuvre qui, malgré quelques maladresses narratives, s’impose par sa force émotionnelle et son exploration audacieuse d’un univers méconnu. Un film qui, comme son héroïne, ne lâche jamais prise, et qui confirme que Stéphane Demoustier est un réalisateur à suivre. Pour les amateurs de récits introspectifs et de tensions sociales, ce film trouve une place de choix, tout en offrant une perspective différente sur le polar carcéral, loin des clichés habituels du genre.
Note : 7 / 10
L’intrigue suit Melissa, qui, fraîchement mutée de Fleury-Mérogis à Borgo, s’installe sur l’île avec son mari Djibril et ses deux enfants, issus d'une première union. Borgo, ce centre pénitentiaire atypique où les détenus jouissent d’un régime ouvert, se révèle être un lieu où les rapports de pouvoir s’inversent. Très vite, Melissa sympathise avec Saveriu, un détenu influent qui lui facilite son adaptation. Mais cette relation ambivalente marque le début d’un engrenage infernal où faveurs et pressions se mêlent, plongeant Melissa dans un conflit moral et personnel qui menace de tout emporter.
Le scénario de Demoustier excelle dans la manière dont il décrit l’enrôlement insidieux de Melissa dans un univers où les frontières entre bien et mal sont floues. Le rythme, bien que parfois inégal, maintient une tension constante, notamment grâce à une narration en deux temporalités. Si ce choix ajoute du relief, les séquences avec les policiers, bien qu’utiles pour tisser le récit, manquent parfois de consistance. De même, certains rebondissements, comme une révélation découverte « par hasard », frisent la facilité d’écriture. Heureusement, ces bémols sont compensés par une montée en puissance progressive et des scènes d’une grande intensité, comme un interrogatoire glaçant ou la chanson Mélissa, de Julien Clerc, interprétée par des détenus, qui offrent un souffle émotionnel rare.
Les personnages, eux, sont globalement bien écrits, à commencer par Melissa, qui incarne une complexité remarquable. Son évolution, de surveillante rigoureuse à une femme piégée par les circonstances, est un véritable tour de force scénaristique. En revanche, certains rôles secondaires, notamment ceux des autorités comme la directrice de la prison ou le commissaire, manquent de subtilité et tombent parfois dans la caricature. Cela contraste avec l’écriture nuancée de Saveriu, interprété avec ambiguïté et intensité par le prometteur Louis Memmi, dont le charisme juvénile renforce la tension.
Le film aborde des thématiques profondes : la corruption insidieuse, la pression sociale, et les dilemmes éthiques dans un environnement où les apparences sont trompeuses. Demoustier parvient à ancrer ces thèmes dans la réalité insulaire de la Corse, un microcosme qui renforce l’atmosphère oppressante du récit. En explorant les relations complexes entre gardiens et détenus, Borgo interroge également sur la fragilité des positions d’autorité, où un simple faux pas peut tout basculer.
Visuellement, la réalisation est à la fois sobre et immersive. La photographie de David Chambille capte habilement la dualité des paysages corses : la rudesse de ses montagnes et la lumière qui tranche avec l’austérité carcérale. Cette approche réaliste, sans fioritures, renforce l’authenticité du film. La bande originale, discrète mais efficace, s’efface au profit de moments marquants comme l’interprétation de la chanson par les détenus, qui symbolise à elle seule toute l’ambivalence de ce microcosme.
Enfin, les performances des acteurs méritent d’être soulignées. Hafsia Herzi, dans le rôle de Melissa, est remarquable. Sa capacité à incarner la fragilité et la résilience de son personnage, sans jamais sombrer dans le pathos, est la pierre angulaire du film. Elle est épaulée par un casting solide, notamment Moussa Mansaly, qui apporte une touche d’humanité dans son rôle de mari marginalisé, et Louis Memmi, dont la performance ambiguë installe une tension palpable à chaque apparition.
Borgo est une œuvre qui, malgré quelques maladresses narratives, s’impose par sa force émotionnelle et son exploration audacieuse d’un univers méconnu. Un film qui, comme son héroïne, ne lâche jamais prise, et qui confirme que Stéphane Demoustier est un réalisateur à suivre. Pour les amateurs de récits introspectifs et de tensions sociales, ce film trouve une place de choix, tout en offrant une perspective différente sur le polar carcéral, loin des clichés habituels du genre.
Note : 7 / 10
Vu le 30 novembre 2024