Fiction à l'américaine
Quand j'ai vu débarquer Fiction à l'américaine sur Prime Video sans tambour ni trompette, j'avoue que j'ai été intrigué. Un film nommé aux Oscars qui arrive comme ça, en catimini ? Ça sentait le coup fourré ou le petit bijou méconnu. Après visionnage, je dirais qu'on est un peu entre les deux.
Le pitch de base est franchement alléchant : un écrivain Noir, blasé de voir ses pairs pondre des romans misérabilistes sur la vie dans le ghetto, décide de les parodier en écrivant la caricature ultime du genre. Et paf ! Le bouquin cartonne, pris au premier degré par des éditeurs Blancs avides de se donner bonne conscience. On se dit qu'on va se régaler d'une satire bien mordante du milieu littéraire et de ses hypocrisies.
Sauf que Cord Jefferson, pour son premier film, joue finalement la carte de la subtilité. Plutôt que de foncer tête baissée dans la provoc', il tisse une toile plus complexe autour de son protagoniste, Thelonious « Monk » Ellison. Et Jeffrey Wright, quel acteur ! Il porte le film sur ses épaules avec un mélange de cynisme désabusé et de vulnérabilité touchante. On sent bien que ce rôle, c'est du sur-mesure pour lui.
Le truc, c'est que le film se disperse un peu en route. D'un côté, on a cette histoire de canular littéraire qui soulève plein de questions passionnantes sur l'identité, l'authenticité artistique, le racisme bien-pensant… De l'autre, on suit les galères familiales de Monk, avec une mère malade d'Alzheimer et un frère gay en pleine crise existentielle. C'est bien ficelé, émouvant par moments, mais ça dilue un peu le propos initial.
Je me suis parfois surpris à regretter que le film ne pousse pas plus loin sa critique du wokisme et de l'industrie culturelle. Il y a des piques bien senties, des moments où on rit jaune, mais j'aurais aimé que ça gratte encore plus. Cela dit, je comprends le choix de Jefferson de ne pas tomber dans la caricature qu'il dénonce. C'est malin, mais un poil frustrant.
La réalisation est propre, sans fioritures. On sent que Jefferson vient de la télé (il a bossé sur Watchmen et The good place, entre autre), avec un style efficace qui met en valeur les dialogues et le jeu des acteurs. D'ailleurs, le casting est top : Sterling K. Brown en frère de Monk est particulièrement savoureux.
Il y a des moments vraiment jouissifs, comme quand Monk doit incarner son alter-ego fictif, un auteur « gangsta » ultra-cliché, face à des producteurs Blancs fascinés. Ou encore les scènes de lecture publique où on sent tout le malaise de l'intelligentsia face à ce texte qui les renvoie à leurs propres préjugés. C'est dans ces moments-là qu'on touche du doigt le film génial que Fiction à l'américaine aurait pu être s'il avait osé pousser le bouchon un peu plus loin.
Au final, je suis resté sur ma faim, tout en reconnaissant les qualités indéniables du film. C'est intelligent, bien joué, ça soulève des questions pertinentes sur la représentation des minorités dans la culture. Ça m'a fait penser par moments à Dear white people de Justin Simien, en moins incisif peut-être.
Si vous aimez les comédies dramatiques qui titillent les neurones sans pour autant vous secouer trop violemment, Fiction à l'américaine devrait vous plaire. C'est le genre de film qui donne matière à discuter autour d'un verre après la séance. Et rien que pour la performance de Jeffrey Wright, ça vaut le détour. Mais ne vous attendez pas à une charge au lance-flammes contre le politiquement correct : c'est plus subtil, plus nuancé... et peut-être un peu trop sage à mon goût.
Note : 7 / 10
Le pitch de base est franchement alléchant : un écrivain Noir, blasé de voir ses pairs pondre des romans misérabilistes sur la vie dans le ghetto, décide de les parodier en écrivant la caricature ultime du genre. Et paf ! Le bouquin cartonne, pris au premier degré par des éditeurs Blancs avides de se donner bonne conscience. On se dit qu'on va se régaler d'une satire bien mordante du milieu littéraire et de ses hypocrisies.
Sauf que Cord Jefferson, pour son premier film, joue finalement la carte de la subtilité. Plutôt que de foncer tête baissée dans la provoc', il tisse une toile plus complexe autour de son protagoniste, Thelonious « Monk » Ellison. Et Jeffrey Wright, quel acteur ! Il porte le film sur ses épaules avec un mélange de cynisme désabusé et de vulnérabilité touchante. On sent bien que ce rôle, c'est du sur-mesure pour lui.
Le truc, c'est que le film se disperse un peu en route. D'un côté, on a cette histoire de canular littéraire qui soulève plein de questions passionnantes sur l'identité, l'authenticité artistique, le racisme bien-pensant… De l'autre, on suit les galères familiales de Monk, avec une mère malade d'Alzheimer et un frère gay en pleine crise existentielle. C'est bien ficelé, émouvant par moments, mais ça dilue un peu le propos initial.
Je me suis parfois surpris à regretter que le film ne pousse pas plus loin sa critique du wokisme et de l'industrie culturelle. Il y a des piques bien senties, des moments où on rit jaune, mais j'aurais aimé que ça gratte encore plus. Cela dit, je comprends le choix de Jefferson de ne pas tomber dans la caricature qu'il dénonce. C'est malin, mais un poil frustrant.
La réalisation est propre, sans fioritures. On sent que Jefferson vient de la télé (il a bossé sur Watchmen et The good place, entre autre), avec un style efficace qui met en valeur les dialogues et le jeu des acteurs. D'ailleurs, le casting est top : Sterling K. Brown en frère de Monk est particulièrement savoureux.
Il y a des moments vraiment jouissifs, comme quand Monk doit incarner son alter-ego fictif, un auteur « gangsta » ultra-cliché, face à des producteurs Blancs fascinés. Ou encore les scènes de lecture publique où on sent tout le malaise de l'intelligentsia face à ce texte qui les renvoie à leurs propres préjugés. C'est dans ces moments-là qu'on touche du doigt le film génial que Fiction à l'américaine aurait pu être s'il avait osé pousser le bouchon un peu plus loin.
Au final, je suis resté sur ma faim, tout en reconnaissant les qualités indéniables du film. C'est intelligent, bien joué, ça soulève des questions pertinentes sur la représentation des minorités dans la culture. Ça m'a fait penser par moments à Dear white people de Justin Simien, en moins incisif peut-être.
Si vous aimez les comédies dramatiques qui titillent les neurones sans pour autant vous secouer trop violemment, Fiction à l'américaine devrait vous plaire. C'est le genre de film qui donne matière à discuter autour d'un verre après la séance. Et rien que pour la performance de Jeffrey Wright, ça vaut le détour. Mais ne vous attendez pas à une charge au lance-flammes contre le politiquement correct : c'est plus subtil, plus nuancé... et peut-être un peu trop sage à mon goût.
Note : 7 / 10
Vu le 20 juin 2024
Lire la critique sur le site d'Antoine Lepage