• Julien   Lepage

Claude Berri nous offre ici la Provence sur grand écran ! Avec un casting en or — Yves Montand, Gérard Depardieu et Daniel Auteuil — on s'attendait à un festin cinématographique digne d'une bonne bouillabaisse. Mais comme le disait Pagnol lui-même, « la perfection n'est pas de ce monde, même en Provence ».

L'histoire, tirée du roman de Marcel Pagnol, nous plonge dans un petit village provençal où Jean de Florette, un citadin bossu plein d'ambition, hérite d'une propriété. Il rêve d'y faire fortune avec ses lapins et ses cultures, ignorant que son voisin Ugolin et le vieux Papet convoitent son terrain pour y faire pousser des œillets. Ces deux-là, pas franchement des enfants de chœur, décident de boucher la source qui alimente le terrain de Jean, espérant le pousser à la faillite.

Le scénario de Berri reste fidèle à l'œuvre de Pagnol, ce qui est à la fois sa force et sa faiblesse. D'un côté, on a cette authenticité provençale qui transpire dans chaque dialogue, chaque situation. De l'autre, le rythme peut parfois sembler aussi lent qu'une partie de pétanque un jour de canicule. Cependant, la tension qui monte crescendo au fil du film, comme le mistral qui s'intensifie, finit par nous tenir en haleine.

Les personnages sont aussi typés que des olives de Nyons. Jean de Florette, avec son optimisme naïf et sa bosse, incarne l'outsider sympathique, mais condamné. Ugolin, tiraillé entre sa cupidité et une forme d'amitié naissante pour Jean, est plus complexe qu'il n'y paraît. Quant au Papet, c'est le parfait manipulateur, prêt à tout pour « l'honneur » de sa famille.

Le film aborde des thèmes universels — la cupidité, la trahison, l'opposition entre tradition et modernité — tout en les ancrant profondément dans le terroir provençal. C'est aussi une réflexion sur la dureté de la vie paysanne et l'importance vitale de l'eau dans cette région aride. Berri réussit à montrer comment la terre peut à la fois nourrir et consumer ceux qui la travaillent.

Côté réalisation, Berri nous offre une Provence de carte postale, avec ses collines dorées et ses villages perchés. La photographie est somptueuse, captant la lumière écrasante de l'été provençal. La musique de Jean-Claude Petit, inspirée de Verdi, ajoute une dimension épique à ce drame rural. Cependant, on peut parfois avoir l'impression que Berri s'attarde un peu trop sur ces beaux paysages, au détriment du rythme du récit.

Les performances des acteurs sont globalement convaincantes. Depardieu, qui n'était pas le premier choix pour le rôle (on murmure que Jacques Weber était initialement pressenti), incarne avec justesse la détermination et la naïveté de Jean. Auteuil, qui a hérité du rôle après le désistement de Coluche, est parfait en Ugolin, mêlant bêtise et culpabilité croissante. Montand, en revanche, semble parfois en pilote automatique dans son rôle de Papet manipulateur.

En fin de compte, Jean de Florette est comme un bon pastis : il a du caractère, mais il faut savoir l'apprécier lentement. C'est un film qui séduit par sa beauté visuelle et son authenticité, mais qui peut frustrer par son rythme parfois languissant. Il reste néanmoins une adaptation réussie de Pagnol, capturant l'essence de la Provence et de ses habitants. Pour ceux qui ont aimé, je recommande vivement de poursuivre avec Manon des sources, la suite qui complète magnifiquement cette fresque provençale.

Note : 7 / 10