De l’huile sur le feu
Sorti en 2011 sous la direction de Nicolas Benamou, De l'huile sur le feu s'inscrit dans cette vague de comédies françaises dites « jeunes » des années 2000, qui ont tenté de surfer sur un humour générationnel entre clashs de cultures et absurdités assumées. Le film aligne un casting prometteur, avec Vincent Lacoste, Alice Belaïdi et Nader Boussandel, mais se retrouve empêtré dans un enchaînement de gags poussifs et d'un scénario sans relief. L'idée d'une rivalité entre un restaurant maghrébin et un restaurant asiatique, située dans un Belleville pittoresque, avait pourtant de quoi promettre quelques étincelles, voire une critique légère mais bien sentie du vivre-ensemble à la française. İl n'en sera rien.Dès les premières minutes, on comprend que le film va jouer la carte du quiproquo à répétition : une guerre culinaire éclate lorsqu'un père de famille maghrébin accuse le propriétaire du restaurant chinois voisin d'avoir cuisiné son chien. Sur ce point de départ improbable, De l'huile sur le feu empile les situations rocambolesques et les coups bas entre les deux camps, tout en développant une romance à la Roméo et Juliette entre Nadiya, la fille du restaurateur maghrébin, et Pierrick, le livreur du restaurant chinois. On passe d'un gag sur la viande halal truquée à une publicité suggestive involontairement diffusée sur la devanture du restaurant asiatique, sans jamais prendre le temps d'installer une véritable dynamique comique.
Le problème majeur du scénario, c'est qu'il est incapable de transcender son postulat. Là où une comédie du Splendid ou une farce façon La tour Montparnasse infernale aurait pu jouer sur les codes et les exagérer avec finesse, ici, tout repose sur des clichés éculés, posés là comme des vérités comiques absolues. Les Asiatiques sont des fourbes, les Maghrébins des râleurs impulsifs, et les Blancs (représentés par un Vincent Lacoste perdu dans cette foire) se baladent en candides naïfs. L'écriture n'offre aucun contrepoids, aucune prise de recul qui permettrait de subvertir ces archétypes. Résultat : l'ensemble sonne souvent plus maladroit qu'amusant, et ce qui aurait pu être une satire se réduit à une caricature sans nuances.
Les personnages n'ont guère plus de profondeur. Samir (joué par Nader Boussandel) est une caricature ambulante du père de famille maghrébin, trop occupé à gueuler pour être crédible dans ses élans paternels. Wong (incarné par Tien Shue) est un chef asiatique à l'air perpétuellement suspicieux, réduit à un stéréotype ambulant. Seule Nadiya (interprétée par Alice Belaïdi) tente d'apporter un peu de naturel dans cette galerie de personnages en carton-pâte, mais elle hérite d'un rôle écrit au chausse-pied, celui de la « belle fille rebelle » qui n'échappe pas aux clichés du genre.
Le film tente pourtant de jouer la carte du message sur la tolérance et le vivre-ensemble, mais le traitement est d'une lourdeur affligeante. Ce qui aurait pu être une comédie grinçante sur les préjugés tourne à une juxtaposition de clichés assumés sans aucun recul. Le tout baigne dans une morale artificielle où, malgré les coups bas et les humiliations, tout le monde finit par s'embrasser dans une belle réconciliation forcée. Comme si une bagarre générale et un incendie criminel pouvaient être soldés par un simple « bon, on s'est un peu emportés, passons à autre chose ».
Sur le plan visuel, Nicolas Benamou adopte une mise en scène télévisuelle qui se veut dynamique, mais qui peine à masquer la pauvreté des situations. Les décors de Belleville auraient pu être un terrain de jeu foisonnant, mais ils restent sous-exploités, servant seulement de toile de fond générique. La réalisation abuse des plans serrés et des cadres surchargés, rendant certaines scènes de bagarre illisibles. Seule la scène du karaoké final, avec la reprise du générique d'Arnold et Willy, parvient à arracher un sourire, mais c'est bien peu après 90 minutes d'humour en panne.
Du côté des acteurs, Vincent Lacoste tire son épingle du jeu en endossant son éternel rôle d'ado lunaire, un peu idiot mais attachant. Son phrasé traînant et son air constamment dépassé font de lui une sorte de Pierre Richard en plus blasé, et on peut saluer son choix d'avoir embrassé la comédie si tôt dans sa carrière. Alice Belaïdi, elle, se débat avec un rôle ingrat qui ne lui laisse que peu d'espace pour exister en dehors de son statut de love interest. Quant à Tien Shue et Nader Boussandel, ils sont condamnés à surjouer des personnages plus hystériques que drôles, dans une surenchère constante qui fatigue plus qu'elle ne fait rire.
Au final, De l'huile sur le feu est de ces comédies françaises qui veulent taper fort mais finissent par s'effondrer sous leur propre poids. Trop prévisible pour être surprenant, trop caricatural pour être mordant, trop bruyant pour être véritablement drôle, il s'essouffle avant même d'avoir trouvé son rythme. À la rigueur, il peut faire sourire par inadvertance, mais il reste surtout un produit symptomatique d'une époque où l'on croyait qu'un enchaînement de situations absurdes suffirait à faire une bonne comédie. En comparaison, un Case départ ou même un Les Kaïra avaient au moins l'audace d'assumer un vrai point de vue. İci, on reste sur une farce tiède, aussi vite oubliée que consommée.
À ceux qui voudraient voir une vraie comédie de guerre de voisinage qui fonctionne, autant se tourner vers un La tour Montparnasse infernale ou un Rien à déclarer. Pour le reste, on peut passer son chemin sans trop de regrets.
Ma note
24%