Merci patron !
À la croisée de l'humour cinglant et de la lutte sociale, "Merci patron !" de François Ruffin s'impose comme un ovni cinématographique, un peu comme cette fois où votre oncle a décidé de mixer la tarte aux pommes avec de la moutarde (oui, ça existe, et non, ça n'a pas fait l'unanimité). Dans cette aventure rocambolesque, on suit les déboires de la famille Klur, catapultée malgré elle au cœur d'un combat épique contre le mastodonte capitaliste incarné par le magnat Bernard Arnault. Imaginez un peu : Jocelyne et Serge Klur, paisibles ouvriers chez Kenzo, se retrouvent soudain sans emploi, sans perspectives, et pire encore, avec les huissiers aux trousses. Une situation qui ferait froid dans le dos même à un pingouin en doudoune. C'est là que déboule François Ruffin, le justicier des temps modernes, armé de son humour acerbe et de sa détermination à faire plier le géant LVMH. Le scénario, aussi farfelu qu'un lama en tutu, jongle habilement entre suspense, émotion et rires, même si par moments on a l'impression que le film tourne un peu en rond, comme un hamster dans sa roue. L'idée de mêler documentaire et comédie donne un résultat surprenant, à mi-chemin entre le pamphlet engagé et la farce bon enfant. Les personnages, quant à eux, sont campés avec brio, à commencer par la famille Klur, véritable symbole des laissés-pour-compte de la mondialisation. On se prend rapidement d'affection pour ces anti-héros maladroits et attachants, prêts à tout pour sauver leur peau. Et que dire de François Ruffin, alias Zorro des temps modernes, dont l'omniprésence confine parfois à l'égocentrisme ? Un personnage à la fois exaspérant et fascinant, comme cette tante un peu trop loquace lors des repas de famille. Derrière l'apparente légèreté du récit se cachent pourtant des thématiques profondes, des questionnements sur le monde du travail et les rapports de force entre les classes sociales. Ruffin, tel un funambule, jongle avec ces sujets brûlants sans jamais perdre son équilibre, même si parfois on aimerait qu'il lâche un peu de lest sur le discours militant. Sur le plan technique, la réalisation de Ruffin est à la fois inventive et déroutante, à l'image de ses détournements burlesques de la réalité. Si certains pourront reprocher un manque de finesse dans la mise en scène, d'autres salueront au contraire son audace et son originalité, à l'image de cette fois où votre grand-mère a décidé de teindre ses cheveux en rose pour son quatre-vingtième anniversaire. Côté performances d'acteurs, on retrouve François Ruffin dans son propre rôle, aussi à l'aise devant la caméra que dans ses débats enflammés. Les autres membres du casting, bien que parfois caricaturaux, apportent une touche d'authenticité à l'ensemble, à l'image de cette voisine un peu loufoque mais tellement attachante. En conclusion, "Merci patron !" est un film à l'humour corrosif et à la portée sociale indéniable, même s'il peine parfois à trouver le juste équilibre entre la satire et le militantisme. Une œuvre singulière et audacieuse, à découvrir pour ceux qui n'ont pas peur de remettre en question les fondements de notre société, ou simplement pour passer un bon moment de cinéma entre deux crises existentielles.
Note : 6 / 10
Note : 6 / 10
Vu le 4 octobtre 2016
Lire la critique sur le site d'Antoine Lepage