• Julien   Lepage

Mindscape, premier long-métrage de Jorge Dorado, mêle thriller psychologique et fantastique dans un récit qui tente de naviguer entre introspection et manipulation. Avec une intrigue prometteuse sur le papier, portée par des acteurs de renom comme Mark Strong et Taissa Farmiga, le film suscitait une certaine curiosité. Malheureusement, cette curiosité se heurte rapidement à une exécution maladroite et un manque de clarté qui affaiblissent l'ensemble.

L’histoire suit John Washington, un homme capable d’explorer les souvenirs des gens grâce à une technique d’hypnose particulière, assistée par ordinateur. Son retour au travail après une tragédie personnelle l’amène à traiter le cas d’Anna, une adolescente à la fois brillante et dangereuse. Tandis que John plonge dans les méandres de l’esprit de la jeune fille, la frontière entre vérité et manipulation s’effrite, posant une question centrale : Anna est-elle victime ou manipulatrice ? Une idée intrigante qui, hélas, ne parvient pas à tenir ses promesses.

Le scénario souffre d’un problème majeur : il ne choisit jamais vraiment son terrain. Tantôt thriller psychologique, tantôt drame fantastique, le film oscille sans direction claire, laissant le spectateur désorienté. Les références à d’autres œuvres du genre, comme Inception ou Shutter island, sont évidentes, mais elles restent en surface, donnant l’impression que le film picore des idées sans réellement les intégrer à son propre récit. Le dénouement, précipité et bâclé, ne fait qu’aggraver cette impression d’un récit mal structuré.

Les personnages, malgré un potentiel évident, manquent de profondeur. John Washington est un protagoniste classique, hanté par son passé, mais ses dilemmes émotionnels ne sont jamais véritablement explorés. Anna, en revanche, bénéficie d’une intrigue plus complexe, mais son écriture peine à la rendre véritablement crédible. Son intelligence et sa dangerosité, censées être au cœur de l’histoire, sont abordées de manière trop théorique pour avoir un véritable impact. Les personnages secondaires, comme le mystérieux Sebastian ou Judith, la superviseure de John, restent quant à eux des figures stéréotypées.

Sur le plan thématique, le film aborde des sujets intéressants, notamment la manipulation, la perception de la réalité et les traumatismes enfouis. Cependant, ces thèmes sont traités de manière superficielle, sans jamais véritablement gratter sous la surface. L’idée de naviguer dans les souvenirs d’autrui est fascinante, mais elle est réduite ici à un simple dispositif narratif, dépourvu de réelle réflexion sur ses implications éthiques ou psychologiques.

La réalisation de Jorge Dorado est correcte, mais loin d’être mémorable. La photographie, signée Óscar Faura, oscille entre des plans élégants et des scènes d’un classicisme un peu fade, tandis que le montage ne parvient pas à insuffler le rythme nécessaire à une intrigue de ce type. La bande originale de Lucas Vidal est efficace, mais passe-partout, renforçant l’impression générale d’un film fonctionnel, mais sans personnalité.

Côté interprétation, Mark Strong livre une performance solide, bien qu’un peu en retrait, probablement en raison des limites imposées par le scénario. Taissa Farmiga, en revanche, tire son épingle du jeu et parvient à insuffler une certaine ambiguïté à son personnage, bien que celui-ci reste sous-exploité. Le reste du casting, malgré des acteurs compétents comme Brian Cox ou Indira Varma, peine à laisser une impression durable.

En définitive, Mindscape est une tentative intéressante mais ratée de combiner thriller et fantastique. Si l’idée de départ avait un réel potentiel, elle est desservie par un manque de direction, des personnages sous-développés et une exécution qui manque cruellement d’audace. Ce film pourrait plaire aux amateurs de récits psychologiques à twist les moins exigeants.

Note : 3 / 10