• Julien   Lepage

Un p'tit truc en plus, le premier long-métrage d'Artus, s'est imposé comme un véritable phénomène cinématographique, attirant plus de 10 millions de spectateurs en salles. Un succès colossal qui mérite qu'on s'y attarde, tout en gardant un regard objectif sur les qualités intrinsèques du film.

L'histoire nous plonge dans une aventure rocambolesque où un père et son fils, en cavale après un braquage raté, se retrouvent contraints de se faire passer pour un éducateur et un pensionnaire dans une colonie de vacances pour jeunes adultes en situation de handicap. Clovis Cornillac incarne le père bourru et maladroit, tandis qu'Artus lui-même joue le rôle du fils, Sylvain, qui se fond malgré lui dans le groupe de vacanciers.

D'emblée, il faut saluer le choix audacieux d'Artus de mettre en scène onze acteurs en situation de handicap mental. Pour trouver ces comédiens, le réalisateur a lancé un appel sur Instagram, visionnant une cinquantaine de candidats avant de former son groupe. Cette démarche inclusive est l'un des points forts du film, apportant une authenticité rare à l'écran.

Le scénario, bien que reposant sur une prémisse vue et revue, parvient à trouver sa propre voix. Artus ne se repose pas sur le handicap de ses acteurs pour combler les trous d'une histoire trop mince. Au contraire, il s'efforce de construire une narration solide, avec ses propres rebondissements et ses propres enjeux émotionnels. On suit avec intérêt l'évolution de Sylvain, qui passe d'imposteur à véritable membre du groupe, ainsi que la transformation progressive de son père, interprété avec justesse par Clovis Cornillac.

Alice Belaïdi apporte une touche de fraîcheur dans le rôle de l'animatrice de la colonie, servant de contrepoint aux deux protagonistes masculins. Sa performance énergique et chaleureuse contribue grandement à l'ambiance générale du film.

Du côté des comédiens en situation de handicap, chacun apporte sa personnalité unique au film. Stanislas Carmont, Sofian Ribes, et Mayane Sarah El Baze se distinguent particulièrement, offrant des performances touchantes et souvent drôles. Artus a su mettre en valeur leurs talents individuels, créant des personnages à part entière plutôt que de simples faire-valoir.

La réalisation d'Artus, pour un premier film, est prometteuse. Il a travaillé avec le directeur de la photographie Jean-Marie Dreujou pour créer une esthétique ensoleillée et chaleureuse, en rupture avec les représentations souvent sombres du handicap au cinéma. Les scènes de groupe sont particulièrement bien gérées, capturant l'énergie et la spontanéité des acteurs.

Cependant, malgré ces qualités indéniables, il faut bien admettre qu'il manque à Un p'tit truc en plus ce fameux « p'tit truc en plus » pour s'inscrire durablement dans les annales du cinéma français. Certaines intrigues secondaires, comme la relation père-fils, auraient mérité d'être plus développées. De même, quelques passages tombent dans les clichés du genre, notamment une scène de tribunal sur la fin qui paraît un peu forcée.

Le film évite néanmoins de nombreux écueils. Il refuse le pathos et le misérabilisme, présentant ses personnages en situation de handicap comme des individus à part entière, avec leurs désirs, leurs conflits et leurs personnalités propres. C'est rafraîchissant et c'est probablement l'une des plus grandes réussites du film.

L'humour, marque de fabrique d'Artus, est présent tout au long du film, mais de manière mesurée et respectueuse. Les situations comiques naissent naturellement des interactions entre les personnages plutôt que de se moquer de leurs différences.

En termes de production, le film a dû relever de nombreux défis logistiques. Tourner avec des acteurs en situation de handicap a nécessité une adaptation constante de l'équipe, Artus devant trouver des techniques de direction spécifiques pour chaque comédien. Cette approche sur-mesure se ressent à l'écran, donnant lieu à des moments d'une grande authenticité.

L'énorme succès commercial du film pose d'ailleurs question. S'il témoigne indéniablement d'un besoin du public pour des représentations plus inclusives et positives du handicap à l'écran, on peut se demander si ce succès n'est pas disproportionné par rapport aux qualités réelles du film. Un p'tit truc en plus est une comédie agréable, mais pas transcendante. Son triomphe au box-office semble presque éclipser le film lui-même, comme si le fait d'avoir osé mettre en scène des acteurs en situation de handicap suffisait à en faire un chef-d'œuvre.

Malgré tout, ne boudons pas notre plaisir. Un p'tit truc en plus reste une comédie attachante qui mérite d'être vue. Si elle n'est pas le chef-d'œuvre que son succès pourrait laisser supposer, elle demeure une étape importante dans l'évolution de la représentation du handicap au cinéma, s'inscrivant dans la lignée du Huitième jour tout en apportant sa propre sensibilité. Artus, pour son premier film, fait preuve d'une maturité prometteuse dans son traitement du sujet, ouvrant la voie à une représentation plus juste et plus nuancée du handicap à l'écran. Et ça, c'est déjà beaucoup.

Note : 7 / 10