• Julien   Lepage

Vermines, le premier long-métrage de Sébastien Vani?ek, débarque sur nos écrans comme une araignée sur sa proie : de manière inattendue et avec une efficacité redoutable. Dans un paysage cinématographique français souvent frileux face au film de genre, cette invasion arachnéenne en pleine cité HLM fait l'effet d'une bouffée d'air frais — aussi paradoxal que cela puisse paraître quand on parle d'un film claustrophobique.

L'histoire suit Kaleb, un passionné d'animaux exotiques incarné par Théo Christine, qui ramène chez lui une araignée vénimeuse. Ce qui devait être un simple hobby se transforme rapidement en cauchemar lorsque l'arachnide prolifère dans l'immeuble, plongeant les habitants dans une lutte désespérée pour leur survie. On pense immédiatement à Arachnophobie, mais en version cité française, et c'est là toute l'originalité du film.

Le scénario de Vermines réussit l'exploit de jongler habilement entre les codes du film d'horreur et une réflexion sociale percutante. Vani?ek évite les pièges du genre en ne tombant ni dans la caricature des habitants de banlieue, ni dans un misérabilisme larmoyant. Au contraire, il tisse une toile narrative solide où chaque personnage a sa place et son importance. Certes, quelques ficelles scénaristiques sont un peu grosses, mais elles sont largement compensées par la tension constante qui monte crescendo tout au long du film.

Les personnages, bien qu'archétypaux au premier abord, gagnent en profondeur au fil de l'histoire. Kaleb n'est pas qu'un jeune inconscient, mais un garçon passionné dont les rêves se heurtent à la dure réalité de son environnement. Sa sœur Manon, jouée par Lisa Nyarko, incarne une forme de sagesse et de résilience face à l'adversité. Même les personnages secondaires, comme le concierge Mathis (Jérôme Niel), apportent une touche d'humanité et d'humour bienvenue dans ce huis clos angoissant.

Au-delà de l'invasion d'araignées, Vermines aborde des thèmes sociaux brûlants d'actualité. L'abandon des banlieues par les pouvoirs publics, la stigmatisation des habitants des cités, et les tensions avec les forces de l'ordre sont autant de sujets traités avec justesse et sans manichéisme. Le film pose la question : qui sont réellement les « vermines » dans notre société ? Une interrogation qui résonne bien au-delà du générique de fin.

La réalisation de Vani?ek est impressionnante pour un premier film. Sa caméra nerveuse nous plonge au cœur de l'action, alternant entre plans serrés oppressants et vues d'ensemble qui soulignent l'isolement de l'immeuble. Les effets spéciaux, mêlant habilement pratique et numérique, donnent vie à des araignées aussi crédibles que terrifiantes. La bande-son, ponctuée de morceaux de rap bien choisis, ancre le film dans son époque et son lieu.

Le casting, composé en grande partie de jeunes talents, livre des performances convaincantes. Théo Christine porte le film sur ses épaules avec une intensité palpable, tandis que Sofia Lesaffre, dans le rôle de Lila, apporte une touche de douceur et de détermination. Finnegan Oldfield, en Jordy, surprend dans un rôle à contre-emploi qui prouve une fois de plus l'étendue de son talent.

En conclusion, Vermines s'impose comme une belle surprise dans le paysage du cinéma de genre français. Vani?ek réussit le pari audacieux de créer un film d'horreur efficace tout en livrant un commentaire social pertinent. Certes, le film n'est pas exempt de défauts, notamment dans son dernier acte qui peine à maintenir le niveau de tension des deux premiers tiers. Mais ces quelques faiblesses n'entachent en rien le plaisir que l'on prend à voir ce petit bijou d'inventivité et d'audace.

Note : 8 / 10