• Julien   Lepage

En 1935, Alfred Hitchcock n'était alors qu'un jeune réalisateur de 35 ans qui avait déjà réalisé quelques succès outre-Manche comme L'homme qui en savait trop. Mais c'est avec Les 39 marches qu'il a véritablement imposé son style unique, mélangeant avec brio suspense et humour décalé. Une association incongrue qui deviendra sa marque de fabrique au fil de ses chefs-d'œuvre.

Le scénario nous plonge d'emblée dans une intrigue d'espionnage des plus rocambolesques. Robert Donat, un canadien vivant à Londres, se retrouve impliqué malgré lui dans une histoire de complot après avoir recueilli une mystérieuse femme prétendument poursuivie. Lorsque celle-ci est assassinée chez lui dans des circonstances plus que suspectes, notre héros se transforme en fugitif traqué par la police, bien décidé à démêler l'énigme des fameuses « 39 marches ».

S'ensuit alors une succession de péripéties burlesques et de quiproquos désopilants, portés par le jeu d'acteurs impeccable de Donat et de la sculpturale Madeleine Carroll, première de la célèbre lignée des « blondes hitchcockiennes ».

Au-delà de ce couple de fuyards improbables, Les 39 marches foisonne de personnages hauts en couleur comme cette aubergiste au cœur d'or (doublée par Claude Chantal dans le doublage de 85) qui rembarrera vertement deux voyous poursuivant nos héros. Une scène d'une drôlerie considérable, à l'image du ton globalement très léger et humoristique du film. Un ton plutôt surprenant pour un film d'espionnage, où Hitchcock semble davantage s'attacher au charme de ses protagonistes qu'à l'intrigue de fond, un peu mince il faut bien l'avouer.

Qu'importe, l'essentiel est ailleurs ! Dans ces séquences désormais cultes comme la course-poursuite démente dans les Highlands écossais. Dans ces plans d'une inventivité folle, à l'image du célèbre plan-séquence où la caméra quitte l'habitacle de la voiture en mouvement. Une prouesse technique digne du maître du suspense déjà au sommet de son art pour sublimer les paysages de brume. Où encore ces scènes à l'auberge d'une sensualité exquise, laissant deviner les audaces à venir du cinéaste pour suggérer l'érotisme avec une infinie subtilité.

Les 39 marches pose définitivement les bases du style hitchcockien, fait de suspense savamment distillé, d'humour grinçant et de romances piquantes. Un véritable modèle que le réalisateur reprendra par la suite dans ses chefs-d'œuvre comme La mort aux trousses ou L'inconnu du Nord-Express.

Note : 8 / 10