Julien   Lepage

J.  Lepage
Le ciel lui tombe sur la tête
Albert Uderzo
2005

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Le ciel lui tombe sur la têteLe ciel lui tombe sur la tête, ultime pièce signée Albert Uderzo avant son passage au livre d'or, constitue une incursion d'Astérix et Obélix dans le domaine de la science-fiction. Dans cette aventure de 2005, nos héros sont confrontés à des extraterrestres et à une boule dorée métallique planant au-dessus de leur village gaulois. Si l'idée de faire côtoyer le mythe gaulois avec le fantastique et la science-fiction n'est (malheureusement) pas inédite dans la série, la manière dont Uderzo la traite suscite ici une déception certaine.

L'histoire débute avec Astérix et Obélix découvrant que tous les villageois, ainsi que les animaux de la forêt, ont été figés, exception faite du druide Panoramix et d'Idéfix, préservés par leur absorption récente de potion magique. La source du problème ? Une gigantesque boule dorée métallique pilotée par un extraterrestre violet du nom de Toune, accompagné de son armée de superclones volants. Ce dernier cherche à obtenir de la potion magique pour lutter contre son ennemi, le Nagma, un autre extraterrestre aux allures japonaises et dessein malveillant.

La trame s'effondre bien vite sous le poids de caricatures maladroites. Uderzo, maître du style caricatural, semble perdre pied ici, glissant vers une représentation nauséabonde des Américains en gentils, porteurs de comics et héros au nom anagramme de Walt Disney, tandis que les Japonais sont vilipendés en méchants adeptes de mangas. La subtilité habituelle d'Astérix laisse place à une vision simpliste et ignorante des mangas, faisant de cet album un écho aux critiques acerbes de Ségolène Royal contre la violence des animés japonais.

La méconnaissance flagrante de l'univers manga par Uderzo se traduit par des caricatures clichées et dépassées, évoquant des stéréotypes d'une époque révolue. Si la critique aurait pu s'inscrire dans une satire humoristique, elle bascule malheureusement dans l'insulte. Les mangas, loin d'être tous violents et caricaturaux, sont réduits ici à une vision étroite. Si, effectivement, le style du manga est assez éloigné de la ligne claire en général, et de l'école de Marcinelle, chère à Franquin, en particulier, certains grands maîtres comme Tezuka, Taniguchi, ou Urasawa, s'inspirent largement des travaux franco-belges. Quant à la violence, si elle peut être bien évidemment présente dans certains mangas, comme elle peut l'être dans les comics ou dans la bande-dessinée traditionnelle, elle n'est pas exclusive. Doraemon, par exemple, s'est vendu à plus de 300 millions d'exemplaires, en faisant l'un des mangas les plus vendus de tous les temps, et s'adresse aux plus jeunes, bien loin de toute violence.

Graphiquement, l'album ne redore pas le blason. Les dessins, souvent d'une laideur affligeante, atteignent un point bas avec la représentation du vaisseau spatial, une simple sphère dorée. Le résultat est un raté sur tous les plans, décevant à la fois les amateurs d'Astérix et les adeptes de l'humour fin qui faisait la renommée de la série.

En somme, Le ciel lui tombe sur la tête est une déception qui aurait dû signifier la retraite d'Uderzo. L'album, avec son intrigue incipide, ses caricatures déplacées, et ses dessins douteux, constitue un échec artistique et narratif, éloignant les lecteurs de la magie habituelle du village gaulois. Un ciel bien sombre sur l'héritage d'Astérix.

Note : 1 / 10

Lu le 3 janvier 2024