Bref.
**Bref.**, c'est l'histoire d'un mec, d'une idée, et d'une révolution télévisuelle condensée en moins de deux minutes par épisode. Créée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio, cette shortcom diffusée entre 2011 et 2012 sur Canal+ a redéfini le paysage des séries françaises avec un format rapide, nerveux, et incroyablement percutant. À une époque où le Grand Journal occupait encore une place centrale, cette série a surgi comme une bouffée d'air frais, un OVNİ télévisuel qui a immédiatement captivé par sa singularité. L'intrigue suit un trentenaire anonyme, incarné par Kyan Khojandi, qui navigue entre désillusions amoureuses, galères professionnelles, et micro-drames du quotidien. Un héros ordinaire dans une vie banale, mais dont la narration hyper rythmée transforme chaque moment insignifiant en une épopée hilarante. De ses tentatives de séduire "cette fille" (Alice David) à ses échanges absurdes avec son frère ou son "plan cul régulier" (Bérengère Krief), chaque épisode est une plongée dans l'esprit chaotique et autocritique d'un personnage auquel il est impossible de ne pas s'identifier. Le scénario brille par son audace et sa concision. Chaque épisode est une pièce de puzzle soigneusement découpée, oscillant entre l'humour absurde et une vérité crue sur les petites tragédies de la vie moderne. Là où d'autres séries auraient étiré ces intrigues sur plusieurs saisons, **Bref.** condense tout en quelques minutes, créant une dynamique qui ne laisse jamais place à l'ennui. La narration, rapide comme un claquement de doigts, est soutenue par une écriture à la fois accessible et brillante. Ce rythme effréné, avec parfois plus de 130 plans par minute, est un tour de force qui réussit à marier complexité et clarté. Les personnages, bien que souvent caricaturaux, servent de reflets à des figures familières. "Je", le narrateur, est un concentré de contradictions humaines : drôle, pathétique, maladroit, et un brin désabusé. Son frère, Keyvan, incarne le contrepoint parfait, avec sa stabilité presque irritante. Marla, quant à elle, mêle humour et sincérité, tandis que "cette fille" représente cet idéal inaccessible qui obsède tant de personnes. Ces figures ne sont pas seulement des archétypes ; elles gagnent en profondeur grâce à des détails subtils disséminés tout au long des épisodes. La force de la série réside aussi dans sa capacité à explorer des thèmes universels avec un regard inédit. L'amour, la solitude, l'échec, ou encore les frustrations du quotidien sont abordés avec une justesse et une légèreté déconcertantes. En détournant ces sujets souvent lourds avec un ton ironique et une narration directe, **Bref.** réussit à toucher sans jamais s'apitoyer. Chaque spectateur y trouve un écho de sa propre vie, une situation ou une pensée qu'il a lui-même vécue, mais qu'il n'aurait jamais su décrire avec autant d'acuité. Sur le plan technique, **Bref.** est une petite prouesse. La réalisation, signée Bruno Muschio et Kyan Khojandi, est d'une précision redoutable. Chaque plan, chaque coupure est pensé pour maximiser l'impact narratif. La bande-son, portée par des artistes de la scène électronique comme The Name ou Neus, accentue parfaitement l'ambiance décalée et contemporaine de la série. Rien n'est laissé au hasard, et cet équilibre entre narration, montage, et musique contribue à l'identité unique de la série. Les performances des acteurs, bien que servies par une mise en scène minimaliste, sont d'une efficacité redoutable. Kyan Khojandi, en particulier, porte la série avec une justesse qui rend son personnage à la fois attachant et hilarant. Bérengère Krief et Alice David, dans leurs rôles respectifs, apportent une fraîcheur qui contrebalance parfaitement les galères du narrateur. Ce qui distingue **Bref.**, c'est aussi son audace. À l'heure où la télévision française peinait souvent à sortir des sentiers battus, cette série a osé proposer un format inédit, inspiré de films comme Snatch ou Trainspotting, tout en s'ancrant dans un quotidien purement français. Le fait que les créateurs aient choisi de s'arrêter après deux saisons, avant que le concept ne s'essouffle, témoigne d'une rare intégrité artistique. En résumé, **Bref.** n'est pas simplement une série, c'est un instantané de la vie moderne, un miroir hilarant et lucide tendu à une génération. C'est court, c'est dense, c'est brillant. Si vous cherchez une œuvre capable de vous faire rire, réfléchir, et vous émouvoir en moins de deux minutes, ne cherchez pas plus loin. Bref, c'est incontournable.
Ma note
85%