Dans la veine des grands films noirs,
Chinatown nous plonge dans les méandres d'une sombre affaire de corruption dans un Los Angeles des années 30 en pleine sécheresse. Le détective privé
Jake Gittes, incarné par l'inoubliable
Jack Nicholson, se retrouve au cœur d'une machination tentaculaire autour des ressources en eau de la ville.
Le film démarre sur les chapeaux de roue, avec une intrigue d'adultère qui vire vite au drame.
Polanski nous harponne d'emblée avec son ambiance délétère et sa galerie de personnages peu recommandables. On suit avec intérêt les pérégrinations de
Gittes, un antihéros blasé mais tenace dont le cynisme forcené cache un sens aiguisé de la justice.
C'est d'ailleurs là que le long-métrage excelle : son scénario malin et ficelé, même s'il accumule parfois les rebondissements jusqu'à provoquer une légère confusion. On regrette aussi quelques passages un peu lents qui rompent la tension. Mais dans l'ensemble, le mystère avance avec une mécanique implacable, semant les graines de complots de plus en plus vertigineux.
Les personnages restent assez archétypaux, du privé désabusé à la bourgeoise perverse incarnée par une
Faye Dunaway tour à tour glaciale et héroïne tragique. Derrière ces figures stéréotypées affleure pourtant une étude grinçante de la soif de pouvoir.
John Huston, en patriarche immoral aux accents shakespeariens, en est la terrifiante incarnation.
S'il ne réinvente rien dans la forme,
Polanski signe en revanche une réalisation d'une maîtrise totale au service de son propos sur la cupidité et la décadence. La photo élégante de
John A. Alonzo sublime la rudesse déliquescente des décors insalubres. Quant à la musique signée
Jerry Goldsmith, elle colle avec brio à l'ambiance délétère.
Au final,
Chinatown est un film noir canonique mais pas totalement indispensable. Son atmosphère poisseuse et sa réflexion désabusée sur les dérives du rêve américain valent le détour. Mais son dénouement, d'une noirceur radicale, laisse un petit arrière-goût d'inaboutissement après la lente montée en puissance. Une œuvre forte mais pas un chef-d'œuvre absolu pour autant.
Note :
6 / 10
