• Julien   Lepage

Quand Phoebe Waller-Bridge a débarqué sur nos écrans avec Fleabag, on s'attendait à une énième comédie britannique sur la vie londonienne. Mais dès les premières minutes, on comprend qu'on tient là quelque chose de différent. Cette série, adaptée du one-woman-show de Waller-Bridge, nous plonge dans le quotidien chaotique d'une trentenaire londonienne sans filtre, avec un humour pince-sans-rire typiquement britannique et une franchise désarmante.

L'histoire suit notre anti-héroïne, surnommée Fleabag (littéralement « sac à puces »), alors qu'elle navigue tant bien que mal dans sa vie personnelle et professionnelle. Propriétaire d'un café peu fréquenté, adepte de rencontres d'un soir et en deuil de sa meilleure amie, Fleabag brise constamment le quatrième mur pour nous faire part de ses pensées les plus intimes. Ce procédé, loin d'être un simple artifice, devient rapidement la marque de fabrique de la série et nous permet d'entrer dans la tête de ce personnage complexe.

Le scénario de Fleabag brille par son audace et son refus des conventions. Là où d'autres séries auraient opté pour une protagoniste attachante et sympathique, Waller-Bridge nous offre un personnage profondément imparfait, parfois même franchement antipathique. C'est rafraîchissant, même si ça peut dérouter au début. Les situations dans lesquelles se retrouve Fleabag oscillent entre l'hilarant et le gênant, souvent les deux à la fois. On pense notamment à l'épisode de rééducation masculine, qui pousse le curseur de la vulgarité à son paroxysme.

Les personnages secondaires sont tout aussi bien écrits. La sœur de Fleabag, Claire (Sian Clifford), incarne le parfait contrepoint à notre héroïne : rigide, organisée, apparemment parfaite. Leur relation complexe est l'un des points forts de la série. La belle-mère, interprétée par l'incroyable Olivia Colman, est un régal de mesquinerie passive-agressive. Quant au père de Fleabag, il apporte une touche de tendresse bienvenue à cet ensemble de personnages dysfonctionnels.

À travers ces personnages et leurs interactions, Fleabag aborde des thèmes profonds comme le deuil, la solitude, la famille et la sexualité féminine. La série ne se contente pas de faire rire, elle pose un regard acéré sur la condition des femmes trentenaires dans la société moderne. Le tout est traité avec une honnêteté brutale qui fait parfois grimacer, mais qui ne manque jamais de marquer les esprits.

Du côté de la réalisation, Fleabag opte pour une esthétique simple mais efficace. Les apartés à la caméra sont particulièrement bien exécutés, donnant l'impression d'une véritable conversation avec le spectateur. Le rythme est soutenu, avec des épisodes courts (environ 25 minutes) qui ne laissent pas le temps de s'ennuyer. On regrettera peut-être le générique minimaliste, qui dure à peine deux secondes et semble plus irritant qu'autre chose.

La performance de Phoebe Waller-Bridge est le véritable tour de force de cette série. Elle incarne Fleabag avec une intensité et une justesse remarquables, passant du comique au dramatique en un battement de cil. Son timing comique est impeccable, et ses regards caméra sont devenus cultes à juste titre. Le reste du casting n'est pas en reste, avec notamment Olivia Colman qui vole la vedette à chacune de ses apparitions.

Au final, Fleabag est une série qui ne laisse pas indifférent. Son humour mordant et son ton unique en font une expérience rafraîchissante dans le paysage des comédies britanniques. Certes, elle peut parfois tomber dans l'excès de vulgarité ou d'antipathie, et son humour très spécifique ne parlera pas à tout le monde. Mais pour ceux qui accrochent, c'est une véritable pépite.

Si vous aimez l'humour britannique et que vous n'avez pas peur des personnages imparfaits, Fleabag mérite largement le détour. Elle s'inscrit dans la lignée de séries comme Girls ou Catastrophe, tout en apportant sa touche unique. Et avec seulement six épisodes, c'est une série qu'on peut facilement « binger » en une soirée. Alors pourquoi s'en priver ?

Note : 7 / 10