Le théorème de Marguerite est le troisième long-métrage d'Anna Novion, réalisatrice franco-suédoise connue jusqu'ici pour son travail remarqué sur la série Le bureau des légendes. Son nouveau film s'attaque avec succès à l'univers a priori aride des mathématiques de très haut niveau, pour nous proposer une plongée à la fois juste et rafraîchissante dans ce monde élitiste.

Le long-métrage suit Marguerite, jeune mathématicienne prodige en thèse à l'École Normale Supérieure. Seule étudiante féminine de sa promotion, cette associale incarnée avec justesse par Ella Rumpf se consacre corps et âme à la démonstration de la conjecture de Goldbach, un casse-tête mathématique datant de 1742. Un but qu'elle poursuit avec l'obsession des grands esprits, au prix d'un repli sur elle-même bien rendu par son look de première de la classe défraîchie.

Quand une erreur lors d'une conférence fait voler ses rêves en éclats, trahie par son directeur de thèse manipulateur (Jean-Pierre Darroussin, l'époux de la réalisatrice, excellemment contre-employé), Marguerite décide de claquer la porte de la prestigieuse institution. S'ensuit un virage à 180 degrés plutôt bien rythmé, où la jeune femme emménage dans un appartement du 13^e qu'elle recouvre d'équations mathématiques dépourvues de sens — un cliché un peu facile mais pas inintéressant pour autant.

Pour gagner son indépendance, la voilà qui se passionne pour le mah-jong, jeu de stratégie idéal pour mettre ses talents de calculatrice à profit. Une renaissance qui la mène peu à peu à s'affirmer et à s'ouvrir aux autres, grâce notamment à sa colocataire Noa, une danseuse solaire à l'opposé de sa personnalité renfermée.

Dans son portrait d'une âme esseulée en quête d'émancipation, Le théorème de Marguerite brosse des personnages attachants, même s'ils relèvent parfois du stéréotype convenu. Le film s'inspire librement du destin d'Andrew Wiles, ce mathématicien britannique qui résolut en 1993 le célèbre grand théorème de Fermat, suscitant une standing ovation lors d'une conférence restée fameuse.

Malgré quelques clichés un peu faciles sur le monde des mathématiques (la référence obsessionnelle aux tableaux noirs n'est pas des plus fines), le long-métrage d'Anna Novion séduit par son propos humaniste, son rythme bien mené et sa mise en scène soignée. Les amateurs de films d'auteur conjuguant réflexion psychologique et émancipation individuelle devraient y trouver leur compte.

Note : 7 / 10